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le sphinx des glaces

— Soit, Hurliguerly ! répondis-je en portant la main à la poche. Bénissez et baptisez à votre aise !… Voici une piastre pour boire à ma santé au plus prochain cabaret…

— Alors ce ne sera que sur l’îlot Bennet ou sur l’île Tsalal, s’il y a toutefois des auberges dans ces îles sauvages, et s’il s’est trouvé des Atkins pour s’y établir !…

— Dites-moi, bosseman, j’en reviens toujours à Hunt… Paraît-il aussi satisfait que les anciens matelots de l’Halbrane d’avoir dépassé le cercle polaire ?…

— Le sait-on !… me répondit Hurliguerly. Il navigue toujours à sec de toile, celui-là, et on n’en peut rien tirer d’un bord ou de l’autre… Mais, comme je vous l’ai dit, s’il n’a pas déjà tâté des glaces et de la banquise…

— Qui vous le donne à penser ?…

— Tout et rien, monsieur Jeorling !… Ces choses-là se sentent !… Hunt est un vieux loup de mer, qui a traîné son sac dans tous les coins du monde !… »

L’opinion du bosseman était la mienne, et, par je ne sais quel pressentiment, je ne cessais d’observer Hunt, qui occupait très particulièrement ma pensée.

Pendant les premiers jours de décembre, du 1er au 4, à la suite de quelques accalmies, le vent montra une certaine tendance à hâler le nord-ouest. Or, il en est du nord de ces hautes régions, comme du sud de l’hémisphère boréal — rien de bon à attendre. Des mauvais temps, voilà le plus ordinairement ce qu’on y attrape sous forme de rafales et de bourrasques. Cependant il n’y aurait pas lieu de trop se plaindre, si le vent ne retombait pas jusqu’au sud-ouest. En ce dernier cas, la goélette aurait été rejetée hors de sa route, ou, du moins, elle eût dû lutter pour s’y maintenir, et mieux valait, en définitive, ne point s’écarter du méridien suivi depuis notre départ des New-South-Orkneys.

Cette modification présumable de l’état atmosphérique ne laissait pas de causer une inquiétude au capitaine Len Guy. En outre, la