là-bas, par bâbord… comme une colonne de fumée… ça vient d’une right-whale !… Et tout cela nous passe devant le nez… en pure perte !… Vingt dieux !… ne pas remplir ses cuves, quand on le peut, autant vider des sacs de piastres à la mer !… Capitaine de malheur, qui laisse perdre toute cette marchandise, et quel tort il fait à son équipage…
— Hearne, dit une voix impérieuse, monte dans les barres !… Tu y seras plus à l’aise pour compter les baleines ! »
C’était la voix de Jem West.
« Lieutenant…
— Pas de réplique, ou je te tiendrai là-haut jusqu’à demain !… Allons… déhale-toi en double ! »
Et, comme il eût été mal venu à résister, le sealing-master obéit sans mot dire. En somme, je le répète, l’Halbrane ne s’est pas engagée sous ces hautes latitudes pour se livrer à la pêche des mammifères marins, et les matelots n’ont point été recrutés aux Falklands comme pêcheurs. Le seul but de notre campagne, on le connaît, et rien ne doit nous en détourner.
La goélette cinglait alors à la surface d’une eau rougeâtre, colorée par des bancs de crustacés, ces sortes de crevettes, qui appartiennent au genre des thysanopodes. On voyait les baleines, nonchalamment couchées sur le flanc, les rassembler avec les barbes de leurs fanons, tendus comme un filet entre les deux mâchoires, et les engloutir par myriades dans leur énorme estomac.
Au total, puisque dans ce mois de novembre, en cette portion de l’Atlantique méridional, il y avait un tel nombre de cétacés de diverses espèces, c’est que, je ne saurais trop le répéter, la saison était d’une précocité vraiment anormale. Cependant, pas un baleinier ne se montrait sur ces lieux de pêche.
Observons, en passant, que, dès cette première moitié du siècle, les pêcheurs de baleines avaient à peu près abandonné les mers de l’hémisphère boréal, où ne se rencontraient plus que de rares baleinoptères par suite d’une destruction immodérée. Ce sont actuelle-