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le sphinx des glaces

ne s’en écartait ni à l’est ni à l’ouest, elle tomberait inévitablement sur l’île Tsalal. Toutefois, il fallait compter avec les difficultés de la navigation.

Les vents d’est, très fixés, nous favorisaient. La goélette portait sa voilure au complet, même les bonnettes de hunier, le foc volant et les voiles d’étais. Sous cette large envergure, elle filait avec une vitesse qui devait se maintenir entre onze et douze milles. Que cette vitesse continuât, et la traversée serait courte des New-South-Orkneys au cercle polaire.

Au-delà, je le sais, il s’agirait de forcer la porte de l’épaisse banquise, — ou, ce qui est plus pratique, de découvrir une brèche à travers cette courtine de glace.

Et, comme le capitaine Len Guy et moi nous nous entretenions à ce sujet :

« Jusqu’ici, dis-je, l’Halbrane a toujours eu vent sous vergue, et, pour peu que cela persiste, nous devons atteindre la banquise avant la débâcle…

— Peut-être oui… peut-être non… monsieur Jeorling, car la saison est extraordinairement précoce cette année. À l’île Coronation, je l’ai constaté, les blocs se détachaient déjà du littoral, et six semaines plus tôt que d’habitude.

— Heureuse circonstance, capitaine, et il est possible que notre goélette puisse franchir la banquise dès les premières semaines de décembre, alors que la plupart des navires n’y parviennent qu’à la fin de janvier.

— En effet, nous sommes servis par la douceur de la température, répondit le capitaine Len Guy.

— J’ajoute, repris-je, que, lors de sa deuxième expédition, Biscoe n’accosta qu’au milieu de février cette terre que dominent le mont William et le mont Stowerby sur le soixante-quatrième degré de longitude. Les livres de voyage que vous m’avez communiqués l’attestent…

— D’une façon précise, monsieur Jeorling.