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au début de la campagne.

À l’occasion de ces manœuvres, le nouvel équipage fit preuve d’adresse, — ce qui lui valut les félicitations du bosseman. Hurliguerly dut constater que Hunt, si gauchement bâti qu’il fût, valait trois hommes à lui seul.

« Une fameuse recrue !… me dit-il.

— En effet, répondis-je, et elle est arrivée tout juste à la dernière heure.

— Tout juste, monsieur Jeorling !… Mais quelle tête il vous a, ce Hunt !

— J’ai souvent rencontré des Américains de ce genre dans la région du Far-West, répondis-je, et je ne serais pas surpris que celui-ci eût du sang indien dans les veines !

— Bon ! fit le bosseman, il y a de nos compatriotes qui le valent dans le Lancashire ou le comté de Kent !

— Je vous crois volontiers, bosseman… entre autres… vous, j’imagine !…

— Eh !… on vaut ce qu’on vaut, monsieur Jeorling !

— Causez-vous quelquefois avec Hunt ?… demandai-je.

— Peu, monsieur Jeorling. Et que tirer d’un marsouin qui se tient à l’écart et ne dit mot à personne ?… Pourtant, ce n’est pas faute de bouche !… Jamais je n’en ai vu de pareille !… Elle va de tribord à bâbord, comme le grand panneau de l’avant… Si, avec pareil outil, Hunt est gêné pour fabriquer des phrases !… Et ses mains !… Avez-vous vu ses mains ?… Se défier, monsieur Jeorling, s’il voulait serrer les vôtres !… Je suis sûr que vous y laisseriez cinq doigts sur dix !…

— Heureusement, bosseman, Hunt ne paraît pas querelleur… Tout indique en lui un homme tranquille, qui ne cherche pas à abuser de sa force.

— Non… excepté quand il pèse sur une drisse, monsieur Jeorling. Vrai Dieu !… J’ai toujours peur que la poulie vienne en bas et la vergue avec ! »

Ledit Hunt, à le bien considérer, était un être bizarre, qui mé-