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tristan d’acunha

— Monsieur Jeorling, du Connecticut.

— Bon… voici que je sais votre nom… tandis que j’en suis encore à savoir celui du capitaine de l’Halbrane

— Il se nomme Guy… Len Guy…

— Un Anglais ?…

— Oui… un Anglais.

— Il aurait bien pu se déranger pour rendre visite à un compatriote, monsieur Jeorling !… Mais… attendez donc… j’ai déjà eu des relations avec un capitaine de ce nom… Guy… Guy…

— William Guy ?… demandai-je.

— Précisément… William Guy…

— Lequel commandait la Jane ?…

— La Jane, en effet.

— Une goélette anglaise venue en relâche à Tristan d’Acunha, il y a onze ans ?…

— Onze ans, monsieur Jeorling. Il y en avait déjà sept que j’étais installé sur l’île, où m’avait trouvé le capitaine Jeffrey, du Berwick de Londres, en l’année 1824. Je me rappelle ce William Guy… comme si je le voyais… un brave homme, très ouvert, lui, et auquel je livrai un chargement de peaux de phoques. Il avait l’air d’un gentleman… un peu fier… de bonne nature.

— Et la Jane ?… interrogeai-je.

— Je la vois encore, à la place même où est mouillée l’Halbrane… au fond de la baie… un joli bâtiment de cent quatre-vingts tonnes… avec un avant effilé… effilé… Elle avait Liverpool pour port d’attache…

— Oui… cela est vrai… tout cela est vrai ! répétai-je.

— Et la Jane continue-t-elle à naviguer, monsieur Jeorling ?…

— Non, monsieur Glass.

— Est-ce qu’elle aurait péri ?…

— Le fait n’est que trop certain, et la plus grande partie de son équipage a disparu avec elle !

— Me direz-vous comment ce malheur est arrivé, monsieur Jeorling ?…