— Oui… dans la belle saison, si tant est que nous en ayons une mauvaise en ces parages !
— Je vous en félicite, monsieur Glass. Mais ce qui est regrettable, c’est que Tristan d’Acunha n’ait pas un seul port, et quand un navire est obligé de mouiller au large…
— Au large, monsieur ?… Qu’entendez-vous par le large ? s’écria l’ex-caporal avec une animation qui indiquait un grand fond d’amour-propre.
— J’entends, monsieur Glass, que si vous possédiez des quais de débarquement…
— Et à quoi bon, monsieur, lorsque la nature nous a dessiné une baie comme celle-ci, où l’on est à l’abri des rafales, et lorsqu’il est facile d’accoster le nez contre les roches !… Non ! Tristan n’a point de port, et Tristan peut s’en passer ! »
Pourquoi aurais-je contrarié ce brave homme ? Il était fier de son île comme le prince de Monaco a le droit d’être fier de sa principauté minuscule…
Je n’insistai point, et nous causâmes de choses et d’autres. Il m’offrit d’organiser une excursion au milieu des forêts épaisses qui montent jusqu’à mi-flanc du cône central.
Je le remerciai et m’excusai de ne point accepter son offre. Je saurais bien employer les heures de la relâche à quelques études minéralogiques. D’ailleurs, l’Halbrane devait déraper dès que son ravitaillement serait achevé.
« Il est singulièrement pressé, votre capitaine ! me dit le gouverneur Glass.
— Vous trouvez ?…
— Et si pressé que son lieutenant ne parle même pas de m’acheter des peaux ou de l’huile…
— Nous n’avons besoin que de vivres frais et d’eau douce, monsieur Glass.
— Eh bien, monsieur, répondit le gouverneur un peu dépité, ce que l’Halbrane n’emportera pas, d’autres navires l’emporteront !… »