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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

étrange… Tel est l’homme qui a demandé la main de ma fille, et qui, hier, a eu l’audace de renouveler sa demande.

— Hier ? m’écriai-je.

— Hier même pendant sa visite.

— Et, ne fut-il pas ce qu’il est, dit le capitaine Haralan, il resterait encore que c’est un Prussien, et cela eut suffi à nous faire repousser une pareille alliance.

Toute l’antipathie que, par tradition et par instinct, la race magyare éprouve pour la race germanique éclatait dans ces paroles.

— Voici comment les choses se sont passées, reprit le docteur Roderich, il est bon que vous le sachiez. Lorsque Wilhelm Storitz me fut annoncé, j’hésitai… Fallait-il l’introduire près de moi ou lui faire répondre que je ne pouvais le recevoir ?

— Peut-être cela eût-il été préférable, mon père, dit le capitaine Haralan, car, après l’insuccès de sa première démarche, cet homme aurait dû comprendre qu’il lui était interdit de remettre les pieds ici sous quelque prétexte que ce soit.

— Oui, peut-être, dit le docteur, mais j’ai craint de le pousser à bout et qu’il s’ensuivît quelque scandale…

— Auquel j’eusse mis promptement terme, mon père !

— Et c’est précisément parce que je te connais, dit le docteur, en prenant la main du capitaine Haralan, c’est pour cela que j’ai préféré agir avec prudence… À ce propos, quoi qu’il puisse arriver, je fais appel à ton affection pour ta mère, pour moi, pour ta sœur, dont la situation serait très pénible, si son nom était prononcé, si ce Wilhelm Storitz faisait un éclat…

Bien que je ne connusse le capitaine Haralan que depuis peu de temps, je le jugeais de caractère très vif, et soucieux jusqu’à l’extrême de ce qui touchait à sa famille. Aussi considérais-je comme déplorable que le rival de Marc fût revenu à Ragz et surtout qu’il eût renouvelé sa demande.

Le docteur acheva de nous raconter en détail cette visite.