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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Le pont-levis, jeté au-dessus de la douve hérissée de mille arbustes sauvages, nous conduisit à la poterne entre deux gros mortiers hors d’usage. Au-dessus s’allongeaient des gueules de canons.

Le grade du capitaine Haralan lui ouvrait naturellement la porte de cette vieille bastide, dont la valeur militaire n’est plus très grande. Les quelques soldats qui la gardaient, lui firent l’accueil militaire auquel il avait droit, et, une fois sur la place d’armes, il me proposa de monter au donjon qui en occupe un des angles.

Il ne fallut pas gravir moins de deux cent quarante marches de l’escalier tournant qui accède à la plateforme supérieure. En circulant le long du parapet, mes regards embrassèrent un horizon plus étendu que celui de la tour à l’hôtel Roderich. Je n’estimai pas à moins de sept lieues la partie visible du Danube, dont le cours obliquait alors vers l’Est dans la direction de Neusatz.

« Maintenant, mon cher Vidal, me dit le capitaine Haralan, que vous connaissez notre ville en partie, voici qu’elle se déroule tout entière à nos pieds.

— Et ce que j’en ai vu, répondis-je, m’a paru très intéressant, même après Buda-Pest, après Presbourg.

— Je suis heureux de vous l’entendre dire, et, quand vous aurez achevé de visiter Ragz, que vous serez familiarisé avec ses mœurs, ses coutumes, ses originalités, je ne doute pas que vous n’en conserviez un excellent souvenir. C’est que nous aimons nos cités, nous autres Magyars, et d’un amour filial ! Ici, d’ailleurs, les rapports sont d’une parfaite entente entre les diverses classes. La classe aisée est très secourable aux malheureux, dont le chiffre décroît chaque année, grâce aux institutions de charité. À vrai dire, vous ne rencontrerez ici que peu de misérables, et en tous cas la misère y est aussitôt secourue que signalée.

— Je le sais, mon cher capitaine, comme je sais que le docteur