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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

conduisit au marché Coloman, à l’heure où il est le plus fréquenté.

En ce marché Coloman, où abondaient les diverses productions du pays, j’observai à loisir le paysan dans son costume traditionnel. Il a gardé le caractère très pur de sa race, la tête forte, le nez légèrement camard, les yeux ronds, la moustache tombante. Il est généralement coiffé d’un chapeau à larges bords d’où s’échappent deux nattes de cheveux. Sa veste et son gilet à boutons d’os sont en peau de mouton ; sa culotte est faite de cette grosse toile qui rivaliserait avec le velours à côte de nos campagnes du Nord, et une ceinture de couleur variée la maintient solidement à la taille ; ses pieds sont chaussés de lourdes bottes qui, au besoin, portent l’éperon.

Il me parut que les femmes, d’un joli type, vêtues d’une jupe courte, aux couleurs éclatantes, le corsage agrémenté de broderies, le chapeau orné d’une aigrette de plumes et à bords relevés sur une opulente chevelure, étaient de plus vive allure que les hommes.

Là passaient également de nombreux Tziganes. C’étaient de pauvres hères, très misérables, très dignes de pitié, hommes, femmes, vieillards, enfants, conservant encore quelque originalité sous leurs lamentables guenilles, qui montrent plus de trous que d’étoffe.

En quittant le marché, le capitaine Haralan me fit traverser un dédale de rues étroites, bordées de boutiques aux enseignes pendantes. Puis le quartier s’élargit pour aboutir à la place Kurtz, l’une des plus grandes de la ville.

Au milieu de cette place s’élève une jolie fontaine, bronze et marbre, dont la vasque est alimentée par de fantaisistes gargouilles. Au-dessus se détache la statue de Mathias Corvin, héros du xve siècle, roi à quinze ans, qui sut résister aux attaques des Autrichiens, des Bohémiens, des Polonais et sauva la chrétienté européenne de la barbarie ottomane.