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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— La cathédrale, mademoiselle Myra… sa masse imposante, les tours de sa façade, sa flèche centrale qui monte vers le ciel comme pour y conduire la prière et, par-dessus tout, son escalier monumental.

— Et pourquoi, dit Myra, tant d’enthousiasme pour cet escalier ?

— Parce qu’il conduit juste sous la flèche, à un certain endroit du chœur, répondit Marc en regardant sa fiancée dont la jolie figure se colora d’une légère rougeur, où…

— Où ?… interrogea Myra.

— Où j’entendrai de votre bouche le plus grand de tous les mots, bien qu’il n’ait qu’une syllabe, elle plus beau ! »

Après une assez longue station sur la terrasse du belvédère, nous redescendîmes au jardin où nous attendait Mme Roderich.

Ce jour-là, je dînai à la table de famille, et nous passâmes la soirée entre nous. À plusieurs reprises Mlle Myra se mit au clavecin et s’accompagna en chantant d’une voix pénétrante ces originales mélodies hongroises, odes, élégies, épopées, ballades, qu’on ne peut entendre sans émotion. Ce fut un ravissement, qui se serait prolongé jusqu’à une heure avancée de la nuit si le capitaine Haralan n’eût donné le signal du départ.

Lorsque nous fûmes rentrés à l’hôtel Temesvar, dans ma chambre où me suivit Marc :

« Avais-je exagéré, me dit-il, et crois-tu qu’il y ait au monde une autre jeune fille…

— Une autre ! répondis-je. Mais j’en suis à me demander si même il y en a une, et si Mlle Myra Roderich existe réellement !

— Ah ! mon cher Henri, que je l’aime !

— Parbleu ! voilà, qui ne m’étonne pas, mon cher Marc ! Je te renierais pour mon frère, s’il en était autrement ! »

La-dessus, nous gagnâmes nos lits, sans qu’aucun nuage eût assombri cette heureuse et paisible journée.