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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

par des broderies, le corsage soutaché à boutons de métal, la ceinture nouée d’un nœud de rubans à filets d’or, la jupe aux plis flottants et s’arrêtant à la cheville, les brodequins de cuir mordoré — tout compte fait, un ensemble fort agréable où le goût le plus délicat n’eût rien trouvé à reprendre.

Le capitaine Haralan était là, superbe dans son uniforme, et d’une ressemblance frappante avec sa sœur. Il m’avait tendu la main, il m’avait traité en frère, lui aussi, et nous étions, déjà deux amis, bien que notre amitié datât de la veille. Je n’avais donc plus à connaître aucun membre de la famille.

La conversation se poursuivit à l’aventure, passant sans ordre d’un sujet à l’autre. Nous parlâmes de mon voyage, de la navigation à bord de la Dorothée, de mes occupations en France, du temps dont je pouvais disposer, de cette belle ville de Ragz qu’on me ferait visiter en détail, du grand fleuve que je devrais bien descendre au moins jusqu’aux Portes de Fer, ce magnifique Danube dont les eaux semblent imprégnées de rayons d’or, de tout ce pays magyar si plein de souvenirs historiques, de cette fameuse puszta, qui devrait attirer les curieux du monde entier, etc.

« Avec quelle joie nous vous voyons près de nous, monsieur Vidal ! répétait Myra Roderich, en joignant les mains dans un geste gracieux. Votre voyage se prolongeait, et nous n’étions pas sans inquiétude. Nous n’avons été rassurés qu’en recevant votre lettre écrite de Pest.

— Je suis très coupable, mademoiselle Myra, répondis-je, très coupable de m’être attardé en route. Il y a longtemps que je serais à Ragz, si j’avais pris la poste après Vienne. Mais des Hongrois ne m’eussent pas pardonné d’avoir dédaigné le Danube dont ils sont fiers à si juste titre, et qui vaut sa réputation.

— En effet, monsieur Vidal, approuva le docteur, c’est notre glorieux fleuve, et il est bien à nous depuis Presbourg jusqu’à Belgrade.