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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

pour nous si intéressantes, de faire connaissance avec sa nouvelle famille !

Vers cinq heures de l’après-midi, sur la rive gauche, entre les saules de la berge et derrière un rideau de peupliers, apparurent quelques églises, les unes couronnées de dômes, les autres dominées par des flèches, qui se découpaient sur un fond de ciel où couraient de rapides nuages.

C’étaient les premiers linéaments d’une grande ville, c’était Ragz. Au dernier tournant du fleuve, elle apparut tout entière, pittoresquement assise au pied de hautes collines dont l’une portait l’ancien château féodal, l’acropole traditionnelle des vieilles cités de la Hongrie.

Poussée par la brise, la gabarre se rapprocha du débarcadère. Elle accosta. C’est à cet instant précis que survint le deuxième incident de mon voyage. Mérite-t-il, cette fois, d’être raconté ?… Qu’on en juge.

J’étais debout, près du bastingage de bâbord, regardant la ligne des quais, tandis que la plupart des passagers gagnaient la coupée. À la sortie de l’appontement se tenaient de nombreux groupes, et je ne doutais pas que Marc en fit partie.

Or, comme je cherchais à l’apercevoir, j’entendis, près de moi, distinctement prononcés en langue allemande, ces mots inattendus :

« Si Marc Vidal épouse Myra Roderich, malheur à elle, malheur à lui ! »

Je me retournai vivement… J’étais seul à cette place. Pourtant quelqu’un venait de me parler ! Oui, on m’avait parlé, et, j’irai plus loin, la voix ne m’était pas inconnue !…

Cependant, personne, je le répète, personne !… Évidemment, je m’étais trompé en croyant entendre cette phrase menaçante… Une espèce d’hallucination, rien de plus… Il fallait que mes nerfs fussent en fâcheux état, pour me jouer de pareils tours à deux jours d’intervalle !… Stupéfait, je regardai de nouveau