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XVIII


Cette situation, dont nous n’étions plus les maîtres, se terminerait-elle par un dénouement heureux ? Qui aurait pu le croire ? Comment ne pas se dire que Myra était à jamais rayée du monde visible ? Aussi, à cet immense bonheur de l’avoir retrouvée, se mêlait cette immense douleur qu’elle ne fût pas rendue à nos regards dans toute sa grâce et sa beauté.

On imagine ce qu’allait être dans ces conditions l’existence de la famille Roderich.

Myra ne tarda pas à se rendre compte de son état. En passant devant la glace de la cheminée, elle n’avait pas aperçu son image… Elle se retourna vers nous, en jetant un cri d’angoisse, et ne vit pas son ombre à ses côtés…

Il fallut alors tout lui dire, tandis que des sanglots s’échappaient de sa poitrine, tandis que Marc, agenouillé près du fauteuil où elle venait de s’asseoir, essayait en vain de calmer sa douleur. Il l’aimait visible, il l’aimerait invisible. Cette scène nous déchirait le cœur.

Vers la fin de la soirée, le docteur voulut que Myra montât dans la chambre de sa mère. Mieux valait que Mme Roderich la sût près d’elle, l’entendit lui parler.

Quelques jours s’écoulèrent. Ce que n’avaient pu faire nos encouragements, le temps le fît ; Myra s’était résignée. Grâce à sa force d’âme, il sembla bientôt que l’existence normale eût repris son cours. Myra nous prévenait de sa présence en parlant à l’un ou à l’autre. Je l’entends encore disant :

« Mes amis, je suis là… Avez-vous besoin de quelque chose ?… Je vais vous l’apporter… Mon cher Henri, que cherchez-vous ?… Ce livre que vous avez posé sur la table ?… Le voici !… Votre