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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

« Et maintenant, qu’allez-vous faire, M. Stepark ? interrogea le lieutenant Armgard.

— Je vais faire transporter ce corps à la Maison de Ville, lui fut-il répondu.

— Publiquement ? demandai-je.

— Publiquement, dit le chef de police. Il faut que tout Ragz sache que Wilhelm Storitz est mort. On ne le croira qu’après avoir vu passer son cadavre.

— Et après qu’il sera enterré, ajouta le lieutenant.

— Si on l’enterre, dit M. Stepark.

— Si on l’enterre ?… répétai-je.

— Oui, expliqua le chef de police, car il vaudrait mieux, selon moi, brûler ce cadavre et en jeter les cendres au vent, comme on faisait des sorciers du moyen âge. »

M. Stepark envoya chercher une civière, et partit avec le plus grand nombre des agents, en emmenant son prisonnier redevenu un vieux bonhomme très banal depuis qu’il avait cessé d’être invisible. De notre côté, le lieutenant Armgard et moi nous rentrâmes à l’hôtel Roderich.

Le capitaine Haralan était déjà près de son père, auquel il avait tout raconté. Dans l’état où se trouvait Mme Roderich, il avait paru prudent de ne lui rien dire. La mort de Wilhelm Storitz ne lui rendait pas sa fille.

Quant à mon frère, lui non plus ne savait rien encore. Il fallait cependant le mettre au courant, et c’est pourquoi nous le fîmes prévenir que nous l’attendions dans le cabinet du docteur.

Ce ne fut pas avec le sentiment de la vengeance satisfaite qu’il accueillit la nouvelle que nous lui apportions. Il éclata en sanglots, tandis que ces paroles désespérées s’échappaient de ses lèvres :

« Il est mort !… Vous l’avez tué !… Il est mort sans avoir parlé !… Myra !… Ma pauvre Myra !… Je ne la reverrai plus !… »

À cette explosion de douleur, que pouvait-on répondre ?…