Page:Verne - Le Secret de Wilhelm Storitz, 1910.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— Dix heures moins dix, répondit le lieutenant.

— C’est l’heure, prononça Haralan, qui remonta le boulevard d’un pas rapide.

Nous passâmes devant la grille de la maison Storitz. Le capitaine n’eut pas un regard pour elle. Du même train, il contourna la propriété et ne fit halte que parvenu au chemin de ronde dont le jardin était séparé par un mur de deux mètres cinquante environ.

— Aidez-moi, dit-il, en montrant de la main le sommet du mur.

Ce mot valait toutes les explications du monde. Je compris le but du malheureux frère de Myra.

Dix heures, n’était-ce pas l’heure fixée par Storitz lui-même, lors de la conversation que M. Stepark et moi nous avions entendue l’avant-veille ? N’en avais-je pas instruit le capitaine Haralan ? Oui, en ce moment, le monstre était là, derrière ce mur, en train de découvrir l’orifice de la cachette qui recelait la réserve de ces substances inconnues dont il faisait un si malfaisant visage. Réussirions-nous à le surprendre pendant qu’il s’activerait à ce travail ? En vérité, ce n’était guère probable. Mais n’importe, il y avait là une occasion unique qu’il ne fallait à aucun prix laisser échapper.

Nous aidant les uns les autres, nous eûmes franchi le mur en quelques minutes, et nous retombâmes de l’autre côté, dans une allée étroite bordée de massifs touffus. Ni Storitz, ni personne n’avait pu nous apercevoir.

« Restez là, » commanda le capitaine Haralan, qui, longeant le mur de clôture dans la direction de la maison, disparut bientôt à nos regards.

Un instant, nous demeurâmes immobiles, puis, cédant à un irrésistible instinct de curiosité, nous nous mîmes en marche à notre tour. À travers le massif dont le feuillage épais nous dérobait à tous les yeux, passant en nous courbant sous les