que les branches du massif s’écartaient violemment. M. Stepark venait de s’élancer dans la direction des voix. Tout à coup, il cria :
— J’en tiens un, monsieur Vidal. À vous l’autre !
Pas de doute, ses mains s’étaient abattues sur un corps parfaitement tangible, sinon visible. Mais il fut repoussé avec une extrême violence et serait tombé si je ne l’eusse retenu par le bras.
Je crus alors que nous allions être attaqués dans des conditions très désavantageuses, puisque nous ne pouvions voir nos agresseurs. Il n’en fut rien. Un rire ironique retentit sur la gauche, et nous entendîmes un bruit de pas qui s’éloignaient.
— Coup manqué ! s’écria M. Stepark, mais nous sommes sûrs, maintenant, que leur invisibilité ne les empêche pas d’être appréhendés au corps !
Par malheur, ils nous avaient échappé, et nous ignorions le lieu de leur retraite. M. Stepark n’en paraissait pas moins enchanté.
— Nous les tenons, dit-il à voix basse, tandis que nous regagnions le quai Batthyani. Nous connaissons le point faible de l’adversaire et nous savons que Storitz doit se rendre après-demain sur les ruines de sa maison. Cela nous donne deux moyens de le vaincre. Si l’un échoue, l’autre réussira. »
En quittant M. Stepark, je rentrai à l’hôtel, et, tandis que Mme Roderich et Marc veillaient au chevet de Myra, je m’enfermai avec le docteur. Il importait qu’il fût immédiatement mis au courant de ce qui venait de se passer à l’île Svendor.
Je lui dis tout, sans oublier la conclusion optimiste de M. Stepark, mais non sans ajouter que je m’en sentais fort peu rassuré. Le docteur estima que devant les menaces de Wilhelm Storitz, devant sa volonté de poursuivre son œuvre de vengeance contre la famille Roderich et contre la ville entière, l’obligation de quitter Ragz s’imposait. Il fallait partir, partir secrètement, et le plus tôt serait le mieux.