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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Spremberg la confirmation de cette nouvelle, et un courrier doit m’arriver d’un instant à l’autre.

Une demi-heure ne s’était pas écoulée que le planton remettait au chef de police un pli apporté à franc étrier. La nouvelle ne reposait sur rien de sérieux. Non seulement la présence de Wilhelm Storitz n’avait pas été constatée à Spremberg, mais on croyait qu’il n’avait jamais dû quitter Ragz.

Deux jours s’écoulèrent sans qu’il se produisît aucun changement dans l’état de Myra Roderich. Quant à mon frère, il me parut un peu plus calme. Moi, j’attendais l’occasion d’entretenir le docteur d’un projet de départ auquel j’espérais le rallier.

La journée du 14 juin fut moins paisible que les précédentes. Les autorités sentirent, cette fois, leur impuissance à retenir une foule montée à un tel degré d’exaltation.

Vers onze heures, alors que je me promenais sur le quai Batthyani, ces propos frappèrent mon oreille :

« Il est revenu… il est revenu !… »

Qui était cet « il », cela se devinait, et, des deux ou trois passants auxquels je m’adressai :

« On vient de voir une fumée à la cheminée de sa maison ! dit l’un.

— On a vu sa figure derrière les rideaux du belvédère ! » affirma l’autre.

Qu’il fallût ou non ajouter foi à ces racontars, je me dirigeai vers le boulevard Tékéli.

Et pourtant, quelle apparence que Wilhelm Storitz se fût si imprudemment montré ? Il ne pouvait ignorer ce qui l’attendait si l’on parvenait à mettre la main sur lui. Et il aurait couru ce risque, lorsque rien ne l’y obligeait ? Il se serait laissé apercevoir à l’une des fenêtres de son habitation ?

Vraies ou fausse, la nouvelle avait produit son effet. Lorsque j’arrivai, plusieurs milliers de personnes, que le cordon d’agents s’efforçait inutilement de contenir, entouraient déjà la maison