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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

incident ne se fût produit depuis que Wilhelm Storitz avait pour ainsi dire crié du haut du beffroi : « Je suis là », l’épouvante avait envahi toute la population. Pas une maison qu’on ne crût hantée par l’invisible. Les églises n’offraient même pas un asile où l’on pût se réfugier, après ce qui s’était passé à la cathédrale. Les autorités essayaient en vain de réagir, elles n’y réussissaient pas, car on est sans pouvoir contre la terreur.

Voici un fait, entre cent autres, qui montre à quel degré d’affolement les esprits en étaient arrivés.

Le 12, dans la matinée, j’avais quitté l’hôtel pour aller voir le chef de police. En débouchant dans la rue du prince Miloch, deux cents pas avant la place Saint-Michel, j’aperçus le capitaine Haralan. L’ayant rejoint :

« Je vais chez M. Stepark, lui dis-je. M’y accompagnez-vous, capitaine ?

Sans me répondre, machinalement, il prit la même direction que moi. Nous approchions de la place Kurzt, lorsque des cris d’effroi se firent entendre.

Un char à bancs attelé de deux chevaux descendait la rue avec une vitesse excessive. Les passants se sauvaient à droite et à gauche. Sans, doute le conducteur avait été jeté à terre, et les chevaux, abandonnés à eux-mêmes, s’étaient emportés.

Eh bien ! le croirait-on, l’idée vint à quelques passants, non moins emballés que l’attelage, qu’un être invisible conduisait cette voiture, et que Wilhelm Storitz en occupait le siège. Ce cri arriva jusqu’à nous :

« Lui… lui !… c’est lui ! »

Je n’avais pas eu le temps de me retourner vers le capitaine Haralan, que celui-ci n’était déjà plus à côté de moi. Je le vis se précipiter à la rencontre du char à bancs, dans l’évidente intention de l’arrêter au moment où celui-ci passerait près de lui.

La rue était très fréquentée à cette heure. Le nom de Wilhelm Storitz retentissait de toutes parts. Des pierres volèrent contre