l’utilisait-il pas comme lui ? D’autres n’en feraient-ils pas usage à son profit ou au leur ? Qui les empêcherait dès lors de pénétrer dans les maisons quand et comme il leur plairait, de se mêler à l’existence des occupants ? L’intimité des familles n’allait-elle pas être détruite ? Pour s’être enfermé chez soi, serait-on assuré d’y être seul, assuré de n’y point être entendu, comme de n’y point être vu à moins de se tenir en une obscurité profonde ? Et, dehors, dans les rues, cette crainte perpétuelle d’être suivi, sans le savoir, par quelqu’un d’invisible, qui ne vous perd pas des yeux et peut faire de vous ce qu’il veut !… Quel moyen de se soustraire aux attentats de toutes sortes rendus si faciles ? N’était-ce pas, à bref délai, l’anéantissement de la vie sociale ?
On se rappela alors ce qui s’était passé sur la place du marché Coloman, ce dont le capitaine Haralan et moi nous avions été témoins. Un homme avait été violemment renversé, prétendait-il, par un agresseur invisible. Tout portait à croire, maintenant, que cet homme avait dit la vérité. Sans doute, il avait été heurté au passage par Wilhelm Storitz, par Hermann ou par tout autre. Chacun eut la pensée que cela pouvait lui arriver. À chaque pas, on était exposé à de pareilles rencontres.
Puis, certaines particularités revinrent à la mémoire, l’affiche des publications arrachée de son cadre à la cathédrale, et, lors de la perquisition du boulevard Tékéli, un bruit de pas entendu dans les chambres, cette fiole inopinément tombée et brisée.
Eh bien, il était là, lui, et, vraisemblablement, Hermann y était aussi. Ils n’avaient point quitté la ville aussitôt après la soirée des fiançailles, ainsi que nous le supposions, et cela expliquait l’eau savonneuse de la chambre à coucher, le feu sur le fourneau de la cuisine. Oui ! tous deux assistaient aux perquisitions faites dans la cour, dans le jardin, dans la maison, et c’est en s’enfuyant qu’ils avaient fait choir l’agent de police de garde au pied de l’escalier. Si nous avions trouvé la couronne nuptiale