pouvions douter. Mais où le rencontrer, et avait-on prise sur cet être insaisissable ?
D’autre part, À quelle impression allait s’abandonner la ville ? Voudrait-elle accepter une explication naturelle de ces faits ? Ici nous n’étions pas en France, où, à n’en pas douter, ces prodiges eussent été tournés en plaisanterie et ridiculisés par des chansons. Il devait en être tout autrement en ce pays. J’ai déjà eu l’occasion de le noter, les Magyars ont une tendance naturelle au merveilleux, et la superstition, dans la classe ignorante, est indéracinable. Pour les gens instruits, ces étrangetés ne pouvaient résulter que d’une découverte physique ou chimique. Mais, quand il s’agit d’esprits peu éclairés, tout s’explique avec l’intervention du diable, et Wilhelm Storitz allait passer pour être le diable en personne.
En effet, il ne fallait plus songer à cacher dans quelles conditions cet étranger, contre lequel le Gouverneur de Ragz avait signé un arrêté d’expulsion, était mêlé à cette affaire. Ce que nous avions tenu secret jusqu’alors ne pouvait plus rester dans l’ombre, après le scandale de Saint-Michel.
Dès le lendemain, la ville fut en ébullition. On rattacha les événements de l’hôtel Roderich à ceux de la cathédrale. L’apaisement qui s’était fait dans le public fit place à de nouveaux troubles. Le lien qui unissait ces divers incidents, on le connut enfin. Ce nom de Wilhelm Storitz, dans toutes les maisons, dans toutes les familles, on ne le prononça plus sans qu’il évoquât le souvenir, on pourrait dire le fantôme d’un personnage étrange, dont l’existence s’écoulait entre les murs muets et les fenêtres closes de l’habitation du boulevard Tékéli.
Qu’on ne soit donc pas surpris, si dès que la nouvelle fut connue, la population se porta vers ce boulevard, entraînée par une force irrésistible, dont elle ne se rendait peut-être pas compte.
C’est ainsi que la foule s’était amassée dans le cimetière de