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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

aux lèvres frémissantes, il me semblait que le portrait était vivant, qu’il allait s’élancer hors de son cadre, et s’écrier d’une voix venue de l’autre monde :

« Que faites-vous ici ?… Quelle audace est la vôtre de troubler mon repos ! »

La fenêtre du salon, fermée de persiennes, laissait passer la lumière. Il n’avait pas été nécessaire de l’ouvrir, et, dans cette pénombre relative, peut-être le portrait gagnait-il en étrangeté et nous impressionnait-il davantage.

Le chef de police parut frappé de la ressemblance qui existait entre Otto et Wilhelm Storitz.

— À la différence d’âge près, me fit-il observer, ce portrait pourrait être aussi bien celui du fils que celui du père. Ce sont les mêmes yeux, le même front, la même tête placée sur de larges épaules. Et cette physionomie diabolique !… On serait tenté de les exorciser l’un comme l’autre.

— Oui, répliquai-je, cette ressemblance est surprenante.

Le capitaine Haralan semblait cloué devant cette toile, comme si l’original eût été devant lui.

— Venez-vous, capitaine ? lui dis-je.

Nous passâmes de ce salon dans la chambre voisine, en traversant le corridor. C’était le cabinet de travail, très en désordre. Des rayons de bois blanc, encombrés de volumes non reliés pour la plupart, des ouvrages de mathématiques, de chimie et de physique principalement. Dans un coin, plusieurs instruments, des appareils, des machines, des bocaux, un fourneau portatif, quelques cornues et alambics, divers échantillons de métaux dont quelques-uns m’étaient inconnus, tout ingénieur que je sois. Au milieu de la pièce, sur une table chargée de papiers et d’ustensiles de bureau, trois ou quatre volumes des œuvres complètes d’Otto Storitz. À côté de ces volumes, un manuscrit. En me penchant, je pus constater que ce manuscrit, signé également de ce nom célèbre, était relatif à une étude sur la lumière.