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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

trop compréhensible pour le capitaine Haralan et pour moi. Quant à Marc, qui ne savait rien encore des dernières démarches de Wilhelm Storitz, il parut ne pas avoir entendu.

Le capitaine Haralan, lui, avait son opinion. Toutefois, il garda un silence absolu, attendant sans doute que j’eusse donné mon avis sur les événements de la veille.

— Monsieur Vidal, reprit le docteur Roderich, que pensez-vous de tout cela ?

J’estimai que j’avais plutôt à jouer le rôle d’un sceptique, qui n’entend point prendre au sérieux les étrangetés dont nous avions été témoins. Mieux valait affecter de n’y rien voir d’extraordinaire en raison même de leur inexplicabilité, si l’on veut me permettre d’inventer ce mot. D’ailleurs, à vrai dire, la demande du docteur ne laissait pas de m’embarrasser.

— Monsieur Roderich, dis-je, je vous l’avoue, « tout cela », pour employer votre expression, ne me semble pas mériter qu’on s’y arrête longtemps. Que penser, si ce n’est que nous avons été victimes d’un mauvais plaisant ? Un mystificateur s’est glissé parmi vos invités et s’est permis d’ajouter aux distractions de la soirée une scène de ventriloquie d’un effet déplorable… Vous savez combien ces exercices s’exécutent maintenant avec un art merveilleux…

Le capitaine Haralan s’était retourné vers moi, il me regardait les yeux dans les yeux, comme, pour lire plus avant dans ma pensée. Son regard signifiait clairement :

« Nous ne sommes pas ici pour nous payer d’explications de ce genre ! »

Le docteur répondit :

— Vous me permettrez, monsieur Vidal, de ne pas croire à quelque tour de passe-passe…

— Docteur, répliquai-je, je ne saurais imaginer autre chose… à moins d’une intervention que je repousse pour ma part… une intervention, surnaturelle…