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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

En ce moment la voix cessa avec le dernier refrain du Chant de la Haine.

Et, alors, j’ai vu… oui ! cent personnes ont vu comme moi ce qu’elles se refusaient à croire…

Voici que le bouquet déposé sur la console, le bouquet de fiançailles, est brusquement arraché, déchiré, et que ses fleurs sont comme piétinées !… Voici que les morceaux du contrat jonchent le parquet !…

Cette fois, ce fut l’épouvante qui frappa tous les esprits ! Chacun voulut fuir le théâtre de si étranges phénomènes. Pour moi, je me demandais si j’avais bien toute ma raison et si je devais ajouter foi à ces incohérences.

Le capitaine Haralan venait de me rejoindre. Il me dit, pâle de colère :

« C’est Wilhelm Storitz !

Wilhelm Storitz ?… Était-il fou ?…

S’il ne l’était pas, j’allais le devenir à coup sûr. J’étais bien éveillé, je ne rêvais pas, et pourtant j’ai vu, oui j’ai vu de mes yeux, à cet instant, la couronne nuptiale s’enlever du coussin sur lequel elle était placée, sans qu’on pût apercevoir la main qui la tenait, traverser le salon, puis la galerie, et disparaître entre les massifs du jardin !…

— C’en est trop !… » s’écria le capitaine Haralan, qui sortit rapidement du salon, traversa comme une trombe le vestibule, et s’élança sur le boulevard Tékéli.

Je me précipitai a sa suite.

L’un suivant l’autre, nous courûmes vers la maison de Wilhelm Storitz, dont une fenêtre en haut du belvédère brillait toujours faiblement dans la nuit. Le capitaine saisit la poignée de la grille et la secoua rudement. Sans bien savoir ce que je faisais, je joignis mes efforts aux siens. Mais la porte était solide, et c’est à peine si nous parvenions à l’ébranler.

Depuis quelques minutes, nous nous épuisions ainsi en vain.