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LE PILOTE DU DANUBE.

« Aujourd’hui, comme vous le voyez, monsieur Jaeger, je me dispose à pêcher, et les apprêts de la pêche sont un peu longs. C’est que le poisson est défiant de sa nature, et on ne saurait prendre trop de précautions pour l’attirer. Certains ont une intelligence rare, entre autres la tanche. Il faut lutter de ruse avec elle, et sa bouche est tellement dure, qu’elle risque de casser la ligne.

— Pas fameux, la tanche, je crois, fit observer M. Jaeger.

— Non, car elle affectionne les eaux bourbeuses, ce qui communique souvent à sa chair un goût désagréable.

— Et le brochet ?

— Excellent, le brochet, déclara Ilia Brusch, à la condition de peser au moins cinq ou six livres ; quant aux petits, ils ne sont qu’arêtes. Mais, dans tous les cas, le brochet ne saurait être rangé parmi les poissons intelligents et rusés.

— Vraiment, monsieur Brusch ! Ainsi donc, les requins d’eau douce, comme on les appelle…

— Sont aussi bêtes que les requins d’eau salée, monsieur Jaeger. De véritables brutes, au même niveau que la perche ou l’anguille ! Leur pêche peut donner du profit, de l’honneur jamais… Ce sont, comme l’a écrit un fin connaisseur, des poissons « qui se prennent » et « qu’on ne prend pas ».

M. Jaeger ne pouvait qu’admirer la conviction si persuasive d’Ilia Brusch, non