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LE PASSAGER D’ILIA BRUSCH.

non, mille fois non. Voilà qui est net, je pense.

— Très net, approuva l’inconnu.

— Alors ?… demanda Ilia Brusch en montrant le quai de la main.

Mais son interlocuteur parut ne pas comprendre ce geste pourtant si clair. Il avait tiré une pipe de sa poche et la bourrait avec soin. Un pareil aplomb exaspéra Ilia Brusch.

— Faudra-t-il donc que je vous dépose à terre ? s’écria-t-il hors de lui.

L’inconnu avait achevé de bourrer sa pipe.

— Vous auriez tort, dit-il, sans que sa voix trahît la moindre crainte. Et cela, pour trois raisons. La première, c’est qu’une rixe ne pourrait manquer de provoquer l’intervention de la police, ce qui nous obligerait à aller tous deux chez le commissaire décliner nos noms et prénoms et répondre à un interminable interrogatoire. Cela ne m’amuserait guère, je l’avoue, et, d’un autre côté, cette aventure serait peu propre à abréger votre voyage, comme vous semblez le désirer.

L’obstiné amateur de pêche comptait-il beaucoup sur cet argument ? Si tel était son espoir, il avait lieu d’être satisfait. Ilia Brusch, subitement radouci, semblait disposé à écouter jusqu’au bout le plaidoyer. Le disert orateur, très occupé à allumer sa pipe, ne s’aperçut pas, d’ailleurs, de l’effet produit par ses paroles.