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LE PILOTE DU DANUBE.

La sobriété n’était pas sa qualité dominante, et le détective, aussitôt qu’il l’eut découvert, s’était ingénié à tirer parti de ce défaut à la cuirasse de l’adversaire. Ses offres répétées avaient eu raison de la résistance, d’ailleurs assez molle, du bandit. Les verres de genièvre succédaient aux verres de racki, et réciproquement. L’effet de l’alcool commençait déjà à se faire sentir. L’œil de Titcha devenait trouble, sa langue plus lourde, sa prudence moins éveillée. Or, comme chacun sait, glissante est la route de l’ivresse, et d’ordinaire, plus on apaise la soif, plus elle grandit.

— Nous disions donc, reprit Titcha d’une voix un peu pâteuse, que c’est convenu avec le chef ?

— Convenu, déclara Dragoch.

— Il a bien fait…, le chef, affirma Titcha, qui, sous l’influence de l’ivresse, se mit à tutoyer son interlocuteur. Tu as l’air d’un bon et d’un vrai camarade.

— Tu peux le dire, approuva Dragoch en s’accordant à l’unisson.

— Seulement, voilà !… Tu ne le verras pas…, le chef.

— Pourquoi ne le verrai-je pas ?

Avant de répondre, Titcha, avisant la bouteille de racki, s’en versa coup sur coup deux rasades. Quand il eut bu, il déclara d’une voix rauque :

— Parti…, le chef.

— Il n’est pas à Roustchouk ? insista Dragoch vivement désappointé.