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PRÈS DU BUT.

en terre roumaine. Vous éviterez ainsi les dangers auxquels je peux être exposé.

— Combien de temps comptez-vous rester à Roustchouk ? demanda Karl Dragoch sans répondre directement.

— Je ne sais, dit Serge Ladko. Si les choses tournent à mon gré, je serai revenu à bord avant le jour et, dans ce cas, je ne serai pas seul. S’il en est autrement, j’ignore ce que je ferai.

— Je vous suivrai jusqu’au bout, monsieur Brusch, déclara sans hésiter Karl Dragoch.

— À votre aise ! » conclut Serge Ladko qui n’ajouta pas une parole.

À la nuit tombante, il reprit l’aviron et s’approcha de la rive bulgare. L’obscurité était complète quand il y accosta, un peu en aval des dernières maisons de la ville.

Tout son être tendu vers le but, Serge Ladko agissait à la manière d’un somnambule. Ses gestes nets et précis faisaient sans hésitation ce qu’il fallait faire, ce qu’il lui eût été impossible de ne pas faire. Aveugle pour tout ce qui l’entourait, il ne vit pas son compagnon disparaître dans la cabine dès que le grappin eut été ramené à bord. Le monde extérieur avait perdu pour lui toute réalité. Son rêve seul existait. Et, ce rêve, c’était, tout illuminée de soleil, en dépit de la nuit, sa maison et, dans sa maison, Natcha !… En dehors de Natcha, il n’était plus rien sous le ciel.

Dès que l’étrave de la barge eut touché la