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LE PILOTE DU DANUBE.

étrangement à laisser une trace quelconque de son état civil sur chaque théâtre de ses crimes.

Leur indifférence paraîtra moins surprenante, si l’on veut bien considérer que ces crimes, commis sur tout le cours du Danube, étaient éparpillés sur une immense étendue. L’émotion publique avait donc, entre chacun d’eux, le temps de se calmer. C’est surtout dans les bureaux de la police, où venaient se centraliser toutes les plaintes des régions riveraines, que le nom de Ladko avait acquis sa triste célébrité. Dans les villes, la classe bourgeoise, à cause des manchettes ronflantes des journaux, lui accordait encore un intérêt spécial. Mais pour la masse du peuple, et, a fortiori, pour les paysans, il n’était qu’un malfaiteur comme un autre, dont on a à souffrir une fois et qu’on ne revoit plus ensuite.

Au contraire, les huit hommes restés à bord du chaland se connaissaient tous entre eux et formaient une véritable bande. À l’aide de leur bateau, ils montaient ou descendaient sans cesse le Danube. Que l’occasion d’une profitable opération se présentât, ils s’arrêtaient, recrutaient dans les environs le personnel nécessaire, puis, le butin en sûreté dans leur cachette flottante, ils repartaient, en quête de nouveaux exploits.

Quand le chaland était plein, ils gagnaient la mer Noire où un vapeur à leur dévotion venait croiser au jour fixé. Transportées à