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AU CONCOURS DE SIGMARINGEN.

Les mains prêtes à battre demeurèrent immobiles, les bouches prêtes à acclamer le vainqueur se turent. Un vif sentiment de curiosité immobilisait tout le monde.

Ilia Brusch allait-il enfin apparaître ? Viendrait-il recevoir du Président Miclesco les diplômes d’honneur et les deux cents florins qui les accompagnaient ?

Soudain un murmure courut à travers l’assemblée.

Un des assistants, qui, jusque-là, s’était tenu un peu à l’écart, se dirigeait vers l’estrade.

C’était le Hongrois Ilia Brusch.

À en juger par son visage soigneusement rasé, que couronnait une épaisse chevelure d’un noir d’encre, Ilia Brusch n’avait pas dépassé trente ans. D’une stature au-dessus de la moyenne, large d’épaules, bien planté sur ses jambes, il devait être d’une force peu commune. On pouvait être surpris, en vérité, qu’un gaillard de cette trempe se complût aux placides distractions de la pêche à la ligne, au point d’avoir acquis dans cet art difficile la maîtrise dont le résultat du concours donnait une irrécusable preuve.

Autre particularité assez bizarre, Ilia Brusch devait, d’une manière ou d’une autre, être affligé d’une affection de la vue. De larges lunettes noires cachaient, en effet, ses yeux, dont il eût été impossible de reconnaître la couleur. Or, la vue est le plus précieux des sens pour qui se pas-