a fait sauter à la mine les plus gênantes des roches qui s’échelonnaient d’une rive à l’autre. Les rapides ont perdu de leur fureur, les remous n’attirent plus les bateaux dans leurs tourbillons avec la même violence, et les catastrophes sont devenues moins fréquentes. Beaucoup de précautions, cependant, sont encore à prendre, autant pour les grands chalands que pour les petites embarcations.
Tout cela n’était pas pour embarrasser Ilia Brusch. Il suivait les passes, évitait les bancs de sable, dominait les remous et les rapides, avec une étonnante habileté. Cette habileté, Karl Dragoch l’admirait, mais il ne laissait pas aussi d’être surpris qu’un simple pêcheur eût une science si parfaite du Danube et de ses traîtresses surprises.
Si Ilia Brusch étonnait Karl Dragoch, la réciproque n’était pas moins vraie. Le pêcheur admirait, sans y rien comprendre, l’étendue des relations de son passager. Si infime que fût le lieu choisi pour la halte du soir, il était rare que M. Jaeger n’y trouvât pas quelqu’un de connaissance. À peine la barge était-elle amarrée, il sautait à terre et presque aussitôt il était abordé par une ou deux personnes. Jamais, du reste, il ne s’oubliait en de longues conversations. Après un échange de quelques mots, les interlocuteurs se séparaient, et M. Jaeger réintégrait la barge, tandis que les étrangers s’éloignaient.
À la fin Ilia Brusch n’y put tenir.