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au large !

de Behring, qu’il dériverait jusqu’aux îles Aléoutiennes, et un long espace de mer lui restait à franchir.

Toutefois, l’île Victoria n’avait encore éprouvé aucun changement de quelque importance dans sa configuration générale. Des reconnaissances étaient journellement faites, mais les explorateurs ne s’aventuraient plus qu’avec une extrême circonspection, car, à chaque instant, une fracture du sol, un morcellement de l’île pouvaient les isoler du centre commun. Ceux qui partaient ainsi, on pouvait toujours craindre de ne plus les revoir.

La profonde entaille située aux approches du cap Michel, que les froids de l’hiver avaient refermée, s’était peu à peu rouverte. Elle s’étendait maintenant sur l’espace d’un mille à l’intérieur jusqu’au lit desséché de la petite rivière. On pouvait craindre même qu’elle ne suivît ce lit, qui, déjà creusé, amincissait d’autant la croûte de glace. Dans ce cas, toute cette portion comprise entre le cap Michel et le port Barnett, limitée à l’ouest par le lit de la rivière, aurait disparu, — c’est-à-dire un morceau énorme, d’une superficie de plusieurs milles carrés. Le lieutenant Hobson recommanda donc à ses compagnons de ne point s’y aventurer sans nécessité, car il suffisait d’un fort mouvement de la mer pour détacher cette importante partie du territoire de l’île.

Cependant, on pratiqua des sondages sur plusieurs points, afin de connaître ceux qui présentaient le plus de résistance à la dissolution par suite de leur épaisseur. On reconnut que cette épaisseur était plus considérable précisément aux environs du cap Bathurst, sur l’emplacement de l’ancienne factorerie, non pas l’épaisseur de la couche de terre et de sable — ce qui n’eût point été une garantie, — mais bien l’épaisseur de la croûte de glace. C’était, en somme, une heureuse circonstance. Ces trous de sondage furent tenus libres, et chaque jour on put constater ainsi la diminution que subissait la base de l’île. Cette diminution était lente, mais, chaque jour, elle faisait quelques progrès. On pouvait estimer que l’île ne résisterait pas trois semaines encore, en tenant compte de cette circonstance fâcheuse, qu’elle dérivait vers des eaux de plus en plus échauffées par les rayons solaires.

Pendant cette semaine, du 19 au 25 mai, le temps fut fort mauvais. Une tempête assez violente se déclara. Le ciel s’illumina d’éclairs et les éclats de la foudre retentirent. La mer, soulevée par un grand vent du nord-ouest, se déchaîna en hautes lames qui fatiguèrent extrêmement l’île. Cette houle lui donna même quelques secousses très inquiétantes. Toute la petite colonie demeura sur le qui-vive, prête à s’embarquer sur le radeau, dont la plate-forme était à peu près achevée. On y transporta même une