Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
les mois d’hiver.

Or, ce que faisaient les ours et les Esquimaux, d’adroits chasseurs pouvaient bien le faire, et, puisque les trous existaient, c’est que les phoques s’en servaient. Or, ces phoques, c’était l’huile, c’était la lumière qui manquait alors à la factorerie.

Kalumah revint aussitôt au fort. Elle prévint Jasper Hobson. Celui-ci manda les chasseurs Marbre et Sabine. La jeune indigène leur fit connaître le procédé employé par les Esquimaux pour capturer les phoques pendant l’hiver, et elle leur proposa d’en essayer.

Elle n’avait pas achevé de parler que Sabine avait déjà préparé une forte corde munie d’un nœud coulant.

Le lieutenant Hobson, Mrs. Paulina Barnett, les chasseurs, Kalumah, deux ou trois autres soldats, se rendirent au cap Bathurst, et, tandis que les femmes demeuraient sur le rivage, les hommes s’avancèrent en rampant vers les trous désignés. Chacun d’eux était muni d’une corde et se posta près d’un trou différent.

L’attente fut assez longue. Une heure se passa. Rien ne signalait l’approche des amphibies. Mais enfin, l’un des trous — celui qu’observait Marbre — bouillonna à son orifice. Une tête, armée de longues défenses, apparut. C’était la tête d’un morse. Marbre lança son nœud coulant avec adresse et serra vivement. Ses compagnons accoururent à son aide, et, non sans peine, malgré sa résistance, le gigantesque amphibie fut extrait de l’élément liquide et entraîné sur la glace. Là, quelques coups de hache l’abattirent.

C’était un succès. Les hôtes du fort Espérance prirent goût à cette pêche d’un nouveau genre. D’autres morses furent ainsi capturés. Ils fournirent une huile abondante — huile animale, il est vrai, et non végétale, — mais elle suffit à l’entretien des lampes, et la lumière ne fit plus défaut aux travailleurs et aux travailleuses de la salle commune.

Cependant, le froid ne s’accentuait pas. La température demeurait supportable. Si les hiverneurs eussent été sur le solide terrain du continent, ils n’auraient eu qu’à se féliciter de passer l’hiver dans ces conditions. Ils étaient, d’ailleurs, abrités par la haute banquise contre les brises du nord et de l’ouest, et n’en ressentaient pas l’influence. Le mois de janvier s’avançait, et le thermomètre ne marquait encore que quelques degrés au-dessous de glace.

Mais précisément, la douceur de la température avait dû avoir et avait eu pour résultat de ne point solidifier entièrement la mer autour de l’île Victoria. Il était même évident que l’icefield n’était pas pris dans toute son étendue, et que des entailles, plus ou moins importantes, le rendaient impraticable, puisque ni les ruminants, ni les animaux à fourrure n’avaient abandonné l’île. Ces quadrupèdes s’étaient familiarisés, apprivoisés à un point