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le pays des fourrures.

immédiat à travers l’icefield, que leur désappointement fut presque du désespoir. Mais ils réagirent promptement et se déclarèrent prêts à obéir.

Jasper Hobson leur fit alors connaître les résultats de l’exploration qu’il venait de faire. Il leur apprit que les obstacles s’accumulaient dans l’est, qu’il était matériellement impossible de passer avec tout le matériel de la caravane, matériel absolument indispensable, cependant, à un voyage qui devait durer plusieurs mois.

« En ce moment, ajouta-t-il, nous sommes coupés de toute communication avec la côte américaine, et en continuant à nous avancer dans l’est, au prix de fatigues excessives, nous courons, de plus, le risque de ne pouvoir revenir sur nos pas vers l’île, qui est notre dernier, notre seul refuge. Or, si la débâcle nous trouvait encore sur ce champ de glace, nous serions perdus. Je ne vous ai point dissimulé la vérité, mes amis, mais je ne l’ai point aggravée. Je sais que je parle à des gens énergiques qui savent, eux, que je ne suis point homme à reculer. Je vous répète donc : nous sommes devant l’impossible ! »

Ces soldats avaient une confiance absolue dans leur chef. Ils connaissaient son courage, son énergie, et quand il disait qu’on ne pouvait passer, c’est que le passage était réellement impraticable.

Le retour au fort Espérance fut donc décidé pour le lendemain. Ce retour se fit dans les plus tristes conditions. Le temps était affreux. De grandes rafales couraient à la surface de l’icefield. La pluie tombait à torrents. Que l’on juge de la difficulté de se diriger au milieu d’une obscurité profonde dans ce labyrinthe d’icebergs !

Le détachement n’employa pas moins de quatre jours et quatre nuits à franchir la distance qui le séparait de l’île. Plusieurs traîneaux et leurs attelages furent engloutis dans les crevasses. Mais le lieutenant Hobson, grâce à sa prudence, à son dévouement, eut le bonheur de ne pas compter une seule victime parmi ses compagnons. Mais que de fatigues, que de dangers, et quel avenir s’offrait à ces infortunés qu’un nouvel hivernage attendait sur l’île errante !


CHAPITRE XIV.

les mois d’hiver.


Le lieutenant Hobson et ses compagnons ne furent de retour au fort Espérance que le 28, et non sans d’immenses fatigues ! Ils n’avaient plus à