Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.
309
une communication de jasper hobson.

dant une traversée de six cents milles. Or, il faut qu’avant le mois de mars, nous ayons mis le pied sur le continent, ou nous risquerons, la débâcle s’opérant, de nous retrouver dans une situation plus mauvaise encore que sur notre île.

— Mais, répondit Mrs. Paulina Barnett, la mer est-elle assez uniformément prise pour nous livrer passage ?

— Oui, répliqua le sergent Long, et chaque jour la glace tend à s’épaissir. De plus, le baromètre remonte peu à peu. C’est un indice d’abaissement dans la température. Or, d’ici le moment où nos préparatifs seront achevés — et il faut bien une semaine, je pense, — j’espère que le temps se sera mis décidément au froid.

— N’importe ! dit le lieutenant Hobson, l’hiver s’annonce mal, et, véritablement, tout se met contre nous ! On a vu quelquefois d’étranges saisons dans ces mers, et des baleiniers ont pu naviguer là où, même pendant l’été, ils n’eussent pas trouvé, en d’autres années, un pouce d’eau sous leur quille. Quoi qu’il en soit, je conviens qu’il n’y a pas un jour à perdre. Je regrette seulement que la température habituelle à ces climats ne nous soit pas venue en aide.

— Elle viendra, dit Mrs. Paulina Barnett. En tout cas, il faut être prêt à profiter des circonstances. À quelle époque extrême penseriez-vous fixer le départ, monsieur Jasper ?

À la fin de novembre, comme terme le plus reculé, répondit le lieutenant Hobson, mais si, dans huit jours, vers le 20 de ce mois, nos préparatifs étaient achevés et que le passage fût praticable, je regarderais cette circonstance comme très heureuse, et nous partirions.

— Bien, dit le sergent Long. Nous devons donc nous préparer sans perdre un instant.

— Alors, monsieur Jasper, demanda Mrs. Paulina Barnett, vous allez faire connaître à nos compagnons la situation dans laquelle ils se trouvent ?

— Oui, madame. Le moment de parler est venu, puisque c’est le moment d’agir.

— Et quand comptez-vous leur apprendre ce qu’ils ignorent ?

À l’instant. — Sergent Long, ajouta Jasper Hobson, en se tournant vers le sous-officier, qui prit aussitôt une attitude militaire, faites rassembler tous vos hommes dans la grande salle pour recevoir une communication. »

Le sergent Long tourna automatiquement sur ses talons et sortit d’un pas méthodique, après avoir porté la main à son chapeau.

Pendant quelques minutes, Mrs. Paulina Barnett et le lieutenant Hobson restèrent seuls, sans prononcer une parole.