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un savant dégelé.

fois qu’il s’agissait d’observations minutieuses, de mesures délicates, de déterminations précises, on recourait à Thomas Black, qui possédait « une habileté d’œil » extrêmement remarquable. Savoir observer n’est pas donné à tout le monde. On ne s’étonnera donc pas que l’astronome de Greenwich eût été choisi pour opérer dans la circonstance suivante qui intéressait au plus haut point la science sélénographique.

On sait que pendant une éclipse totale de soleil, la lune est entourée d’une couronne lumineuse. Mais quelle est l’origine de cette couronne ? Est-ce un objet réel ? N’est-ce plutôt qu’un effet de diffraction éprouvé par les rayons solaires dans le voisinage de la lune ? C’est une question que les études faites jusqu’à ce jour n’ont pu permettre de résoudre.

Dès 1706, les astronomes avaient scientifiquement décrit cette auréole lumineuse. Louville et Halley pendant l’éclipse totale de 1715, Maraldi en 1724, Antonio de Ulloa en 1778, Bouditch et Ferrer en 1806, observèrent minutieusement cette couronne ; mais de leurs théories contradictoires on ne put rien conclure de définitif. À propos de l’éclipse totale de 1842, les savants de toutes nations, Airy, Arago, Peytal, Laugier, Mauvais, Otto-Struve, Petit, Baily, etc., cherchèrent à obtenir une solution complète touchant l’origine du phénomène ; mais quelque sévères qu’eussent été les observations, « le désaccord, dit Arago, que l’on trouve entre les observations faites en divers lieux par des astronomes exercés, dans une seule et même éclipse, a répandu sur la question de telles obscurités, qu’il n’est maintenant possible d’arriver à aucune conclusion certaine sur la cause du phénomène ». Depuis cette époque, d’autres éclipses totales de soleil furent étudiées, mais les observations n’obtinrent aucun résultat concluant.

Cependant, cette question intéressait au plus haut point les études sélénographiques. Il fallait la résoudre à tout prix. Or, une occasion nouvelle se présentait d’étudier la couronne lumineuse si discutée jusqu’alors. Une nouvelle éclipse totale de soleil, totale pour l’extrémité nord de l’Amérique, l’Espagne, le nord de l’Afrique, etc., devait avoir lieu le 18 juillet 1860. Il fut convenu entre astronomes de divers pays que des observations seraient faites simultanément aux divers points de la zone pour laquelle cette éclipse serait totale. Or, ce fut Thomas Black que l’on désigna pour observer ladite éclipse dans la partie septentrionale de l’Amérique. Il devait donc se trouver à peu près dans les conditions où se trouvèrent les astronomes anglais qui se transportèrent en Suède et en Norvège à l’occasion de l’éclipse de 1851.

On le pense bien, Thomas Black saisit avec empressement l’occasion qui lui était offerte d’étudier l’auréole lumineuse. Il devait également reconnaître autant que possible la nature de ces protubérances rougeâtres qui