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le pays des fourrures.

« Oui ! s’écria-t-il, oui ! sergent ! un feu ! la terre est là !

À moins que ce feu ne soit un feu de navire ! répondit le sergent Long.

— Un navire à la mer par un pareil temps ! s’écria Jasper Hobson, c’est impossible ! Non ! non ! la terre est là, vous dis-je, à quelques milles de nous !

— Eh bien, faisons un signal !

— Oui, sergent, répondons à ce feu du continent par un feu de notre île ! »

Ni le lieutenant Hobson ni le sergent n’avaient de torche qu’ils pussent enflammer. Mais au-dessus d’eux se dressaient ces sapins résineux que l’ouragan tordait.

« Votre briquet, sergent », dit Jasper Hobson.

Le sergent Long battit son briquet et enflamma l’amadou ; puis, rampant sur le sable, il s’éleva jusqu’au pied du bouquet d’arbres. Le lieutenant le rejoignit. Le bois mort ne manquait pas. Ils l’entassèrent à la racine même des pins, ils l’allumèrent, et, le vent aidant, la flamme se communiqua au bouquet tout entier.

« Ah ! s’écria Jasper Hobson, puisque nous avons vu, on doit nous voir aussi ! »

Les sapins brûlaient avec un éclat livide et projetaient une flamme fuligineuse, comme eût fait une énorme torche. La résine crépitait dans ces vieux troncs, qui furent rapidement consumés. Bientôt les derniers pétillements se firent entendre et tout s’éteignit.

Jasper Hobson et le sergent Long regardaient si quelque nouveau feu répondrait au leur…

Mais rien. Pendant dix minutes environ, ils observèrent, espérant retrouver ce point lumineux qui avait brillé un instant, et ils désespéraient de revoir un signal quelconque, — quand, soudain, un cri se fit entendre, un cri distinct, un appel désespéré qui venait de la mer !

Jasper Hobson et le sergent Long, dans une effroyable anxiété, se laissèrent glisser jusqu’au rivage…

Le cri ne se renouvela plus.

Cependant, depuis quelques minutes, l’aube se faisait peu à peu. Il semblait même que la violence de la tempête diminuât avec la réapparition du soleil. Bientôt la clarté fut assez forte pour permettre au regard de parcourir l’horizon…

Il n’y avait pas une terre en vue, et le ciel et la mer se confondaient toujours sur une même ligne d’horizon !