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pendant cinq mois.

s’en retourner avec le détachement. Or, si le détachement ne venait pas, il se voyait réservé à un second hivernage, perspective qui lui souriait peu. Ce brave savant, sa tâche accomplie, ne demandait qu’à s’en aller. Il faisait donc part de ses craintes au lieutenant Hobson, qui ne savait, en vérité, que lui répondre.

Au 4 juillet, rien encore. Quelques hommes, envoyés en reconnaissance à trois milles sur la côte, dans le sud-est, n’avaient découvert aucune trace.

Il fallut admettre alors, ou que les agents du fort Reliance n’étaient point partis, ou qu’ils s’étaient égarés en route. Malheureusement, cette dernière hypothèse devenait la plus probable. Jasper Hobson connaissait le capitaine Craventy, et il ne mettait point en doute que le convoi n’eût quitté le fort Reliance à l’époque convenue.

On conçoit donc combien ses inquiétudes devinrent vives ! La belle saison s’écoulait. Encore deux mois, et l’hiver arctique, c’est-à-dire les âpres brises, les tourbillons de neige, les nuits longues, s’abattrait sur cette portion du continent.

Le lieutenant Hobson n’était point homme à rester dans une telle incertitude ! Il fallait prendre un parti, et voici celui auquel il s’arrêta après avoir consulté ses compagnons. Il va sans dire que l’astronome l’appuyait de toutes ses forces.

On était au 5 juillet. Dans quatorze jours — le 18 juillet, — l’éclipse solaire devait se produire. Dès le lendemain, Thomas Black pouvait quitter le fort Espérance. Il fut donc décidé que si, d’ici là, les agents attendus n’étaient point arrivés, un convoi, composé de quelques hommes et de quatre ou cinq traîneaux, quitterait la factorerie pour se rendre au lac de l’Esclave. Ce convoi emporterait une partie des fourrures les plus précieuses, et, en six semaines au plus, c’est-à-dire vers la fin du mois d’août, pendant que la saison le permettait encore, il pouvait atteindre le fort Reliance.

Ce point décidé, Thomas Black redevint l’homme absorbé qu’il était, n’attendant plus que le moment où la lune, exactement interposée entre l’astre radieux et « lui », éclipserait totalement le disque du soleil !