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pendant cinq mois.

continents polaires ! Si nous n’avions eu que ce ruisseau pour nous fournir d’eau potable, nous aurions été fort embarrassés ! Très heureusement, il nous reste le lac Barnett, et j’aime à penser que nos buveurs ne l’épuiseront pas.

— En effet, répondit le sergent Long, le lac… Mais ses eaux sont-elles restées douces ? »

Jasper Hobson regarda fixement son sergent, et ses sourcils se contractèrent. Cette idée ne lui était pas encore venue, qu’une fracture du sol avait pu établir une communication entre la mer et le lagon ! Malheur irréparable, qui eût forcément entraîné la ruine et l’abandon de la nouvelle factorerie.

Le lieutenant et le sergent Long coururent en toute hâte vers le lac !… Les eaux étaient douces !

Dans les premiers jours de mai, le sol, nettoyé de neige en de certains endroits, commença à reverdir sous l’influence des rayons solaires. Quelques mousses, quelques graminées montrèrent timidement leurs petites pointes hors de terre. Les graines d’oseille et de chochléarias semées par Mrs. Joliffe levèrent aussi. La couche de neige les avait protégées contre ce rude hiver. Mais il fallut les défendre du bec des oiseaux et de la dent des rongeurs. Cette importante besogne fut dévolue au digne caporal, qui s’en acquitta avec la conscience et le sérieux d’un mannequin accroché dans un potager !

Les longs jours étaient revenus. Les chasses furent reprises.

Le lieutenant Hobson voulait compléter l’approvisionnement de fourrures dont les agents du fort Reliance devaient prendre livraison dans quelques semaines. Marbre, Sabine et autres chasseurs se mirent en campagne. Leurs excursions ne furent ni longues ni fatigantes. Jamais ils ne s’écartèrent de plus de deux milles du cap Bathurst. Jamais ils n’avaient rencontré de territoire aussi giboyeux. Ils en étaient à la fois très surpris et très satisfaits. Les martres, les rennes, les lièvres, les caribous, les renards, les hermines venaient au-devant des coups de fusil.

Une seule observation à faire, au grand regret des hiverneurs qui leur tenaient rancune, c’est qu’on ne voyait plus d’ours, pas même leurs traces. On eût dit qu’en fuyant, les assaillants avaient entraîné tous leurs congénères avec eux. Peut-être ce tremblement de terre avait-il plus particulièrement effrayé ces animaux, dont l’organisation est très fine, et même « très nerveuse », si, toutefois, ce qualificatif peut s’appliquer à un simple quadrupède !

Le mois de mai fut assez pluvieux. La neige et la pluie alternaient. La moyenne de la température ne donna que quarante et un degrés au-dessus