Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
le pays des fourrures.

leurs compagnons, foudroyés par le froid. Il est incontestable que c’est s’exposer à une mort subite que d’affronter une température dont la colonne mercurielle ne peut même plus mesurer l’intensité !

Telle était la situation assez inquiétante des habitants du fort Espérance, quand un incident vint encore l’aggraver.


CHAPITRE XXI.

les grands ours polaires.


La seule des quatre fenêtres qui permît de voir la cour du fort était celle qui s’ouvrait au fond du couloir d’entrée, dont les volets extérieurs n’avaient pas été rabattus. Mais pour que le regard pût traverser les vitres, alors doublées d’une épaisse couche de glace, il fallait préalablement les laver à l’eau bouillante. Ce travail, d’après les ordres du lieutenant, se faisait plusieurs fois par jour, et, en même temps que les environs du cap Bathurst, on observait soigneusement l’état du ciel et le thermomètre à alcool placé extérieurement.

Or, le 6 janvier, vers onze heures du matin, le soldat Kellett, chargé de l’observation, appela soudain le sergent et lui montra certaines masses qui se mouvaient confusément dans l’ombre.

Le sergent Long, s’étant approché de la fenêtre, dit simplement :

« Ce sont des ours ! »

En effet, une demi-douzaine de ces animaux étaient parvenus à franchir l’enceinte palissadée, et, attirés par les émanations de la fumée, ils s’avançaient vers la maison.

Jasper Hobson, dès qu’il fut averti de la présence de ces redoutables carnassiers, donna l’ordre de barricader à l’intérieur la fenêtre du couloir. C’était la seule issue qui fût praticable, et, cette ouverture une fois bouchée, il semblait impossible que les ours parvinssent à pénétrer dans la maison. La fenêtre fut donc close au moyen de fortes barres que le charpentier Mac Nap assujettit solidement, après avoir ménagé, toutefois, une étroite ouverture, qui permettait d’observer au-dehors les manœuvres de ces incommodes visiteurs.

« Et maintenant, dit le maître charpentier, ces messieurs n’entreront pas sans notre permission. Nous avons donc tout le temps de tenir un conseil de guerre.