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la nuit polaire.

mouchetés, auxquels les Indiens donnent précisément le nom d’ « hiverneurs », parce qu’ils s’attardent dans les régions glacées jusqu’au commencement de la nuit polaire, et bientôt ils allaient eux-mêmes disparaître.

Le lieutenant Hobson hâta donc l’achèvement des travaux, c’est-à-dire des trappes et pièges qui devaient être tendus pour l’hiver aux environs du cap Bathurst.

Ces trappes consistaient uniquement en lourds madriers, supportés sur un 4 formé de trois morceaux de bois, disposés dans un équilibre instable, et dont le moindre attouchement provoquait la chute. C’était, sur une grande échelle, la trappe même que les oiseleurs tendent dans les champs. L’extrémité du morceau de bois horizontal était amorcée au moyen de débris de venaison, et tout animal de moyenne taille, renard ou martre, qui y portait la patte, ne pouvait manquer d’être écrasé. Telles sont les trappes que les fameux chasseurs, dont Cooper a si poétiquement raconté la vie aventureuse, tendent pendant l’hiver, et sur un espace qui comprend souvent plusieurs milles. Une trentaine de ces pièges furent établis autour du fort Espérance, et ils durent être visités à des intervalles de temps assez rapprochés.

Ce fut le 12 novembre que la petite colonie s’accrut d’un nouveau membre. Mrs. Mac Nap accoucha d’un gros garçon bien constitué, dont le maître charpentier se montra extrêmement fier. Mrs. Paulina Barnett fut marraine du bébé, qu’on nomma Michel-Espérance. La cérémonie du baptême s’accomplit avec une certaine solennité, et ce jour-là fut jour de fête à la factorerie, en l’honneur du petit être qui venait de naître au-delà du soixante-dixième degré de latitude septentrionale.

Quelques jours après, le 20 novembre, le soleil se cachait au-dessous de l’horizon et ne devait plus reparaître avant deux mois. La nuit polaire avait commencé !


CHAPITRE XVIII.

la nuit polaire.


Cette longue nuit débuta par une violente tempête. Le froid était peut-être un peu moins vif, mais l’humidité de l’atmosphère fut extrême. Malgré toutes les précautions prises, cette humidité pénétrait dans la maison, et, chaque matin, les condensateurs que l’on vidait renfermaient plusieurs livres de glace.