Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
le pays des fourrures.

aux observations astronomiques, des aurores boréales, des halos, des parasélènes et autres phénomènes des contrées polaires, dignes de provoquer son admiration.

Cependant, la température était supportable. Il ne faisait pas de vent, et c’est le vent surtout qui rend les piqûres du froid plus aiguës. On continua donc les chasses pendant quelques jours. De nouvelles fourrures s’entassèrent dans les magasins de la factorerie, de nouvelles provisions alimentaires remplirent ses offices. Les perdrix, les ptarmigans, fuyant vers des régions plus tempérées, passaient en grand nombre, et fournirent une viande fraîche et saine. Les lièvres polaires pullulaient, et déjà ils portaient leur robe hivernale. Une centaine de ces rongeurs, dont la passée se reconnaissait aisément sur la neige, grossirent bientôt les réserves du fort.

Il y eut aussi de grands vols de cygnes-siffleurs, l’une des belles espèces de l’Amérique du Nord. Les chasseurs en tuèrent quelques couples. C’étaient de magnifiques oiseaux, longs de quatre à cinq pieds, blancs de plumage, mais cuivrés à la tête et à la partie supérieure du cou. Ils allaient chercher, sous une zone plus hospitalière, les plantes aquatiques et les insectes nécessaires à leur alimentation, volant avec une rapidité extrême, car l’air et l’eau sont leurs véritables éléments. D’autres cygnes, dits « cygnes-trompettes », dont le cri ressemble à un appel de clairon, furent aperçus aussi, émigrant par troupes nombreuses. Ils étaient blancs comme les siffleurs, ayant à peu près leur taille, mais noirs de pattes et de bec. Ni Marbre, ni Sabine ne furent assez heureux pour abattre quelques-uns de ces trompettes, mais ils les saluèrent d’un « au revoir » très significatif. Ces oiseaux devaient revenir, en effet, avec les premières brises du printemps, et c’est précisément à cette époque qu’ils se font prendre avec le plus de facilité. Leur peau, leur plume, leur duvet les font particulièrement rechercher des chasseurs et des Indiens, et, en de certaines années favorables, c’est par dizaines de mille que les factoreries expédient sur les marchés de l’ancien continent ces cygnes, qui se vendent une demi-guinée la pièce.

Pendant ces excursions, qui ne duraient plus que quelques heures et que le mauvais temps interrompait souvent, des bandes de loups furent fréquemment rencontrées. Il n’était pas nécessaire d’aller loin, car ces animaux, plus audacieux quand la faim les aiguillonne, se rapprochaient déjà de la factorerie. Ils ont le nez très fin, et les émanations de la cuisine les attiraient. Pendant la nuit, on les entendait hurler d’une façon sinistre. Ces carnassiers, peu dangereux individuellement, pouvaient le devenir par leur nombre. Aussi, les chasseurs ne s’aventuraient-ils que bien armés en dehors de l’enceinte du fort.

En outre, les ours se montraient plus agressifs. Pas un jour ne se passait