À ces diverses sortes de venaison, les eaux du lac et de la petite rivière ajoutaient encore leur contingent. Personne ne s’entendait mieux à pêcher que le calme et paisible sergent Long. Soit qu’il laissât le poisson mordre à son hameçon amorcé, soit qu’il cinglât les eaux avec sa ligne armée d’hameçons vides, personne ne pouvait rivaliser avec lui d’habileté et de patience, — si ce n’était la fidèle Madge, la compagne de Mrs. Paulina Barnett. Pendant des heures entières, ces deux disciples du célèbre Isaac Walton[1] restaient assis l’un près de l’autre, la ligne à la main, guettant leur proie, ne prononçant pas une parole ; mais, grâce à eux, la « marée ne manqua jamais », et le lagon ou la rivière leur livraient journellement de magnifiques échantillons de la famille des salmonées.
Pendant ces excursions qui se poursuivirent presque quotidiennement jusqu’à la fin du mois d’août, les chasseurs eurent souvent affaire à des animaux fort dangereux. Jasper Hobson constata, non sans une certaine appréhension, que les ours étaient nombreux sur cette partie du territoire. Il était rare, en effet, qu’un jour se passât sans qu’un couple de ces formidables carnassiers ne fût signalé. Bien des coups de fusil furent adressés à ces terribles visiteurs. Tantôt, c’était une bande de ces ours bruns qui sont fort communs sur toute la région de la Terre-Maudite, tantôt, une de ces familles d’ours polaires d’une taille gigantesque, que les premiers froids amèneraient sans doute en plus grand nombre aux environs du cap Bathurst. Et, en effet, dans les récits d’hivernage, on peut observer que les explorateurs ou les baleiniers sont plusieurs fois par jour exposés à la rencontre de ces carnassiers.
Marbre et Sabine aperçurent aussi, à plusieurs reprises, des bandes de loups qui, à l’approche des chasseurs, détalaient comme une vague mouvante. On les entendait « aboyer », surtout quand ils étaient lancés sur les talons d’un renne ou d’un wapiti. C’étaient de grands loups gris, hauts de trois pieds, à longue queue, dont la fourrure devait blanchir aux approches de l’hiver. Ce territoire, très peuplé, leur offrait une nourriture facile, et ils y abondaient. Il n’était pas rare de rencontrer, en de certains endroits boisés, des trous à plusieurs entrées, dans lesquels ces animaux se terraient à la façon des renards. À cette époque, bien repus, ils fuyaient les chasseurs du plus loin qu’ils les apercevaient, avec cette couardise qui distingue leur race. Mais, aux heures de la faim, ces animaux pouvaient devenir terribles par leur nombre, et, puisque leurs terriers étaient là, c’est qu’ils ne quittaient point la contrée, même pendant la saison d’hiver.
Un jour, les chasseurs rapportèrent au fort Espérance un animal assez
- ↑ Auteur d’un traité de la pêche à la ligne.