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le fort espérance.

ne pouvait agir ainsi, pour diverses raisons qu’il est aisé de comprendre.

On le voit, par cette description anticipée d’une demeure qui n’existait pas encore, la principale habitation du fort ne se composait que d’un rez-de-chaussée, au-dessus duquel devait s’élever un vaste toit, dont les pentes très raides devaient faciliter l’écoulement des eaux. Quand aux neiges, elles sauraient bien s’y fixer, et, une fois tassées, elles avaient le double avantage de clore hermétiquement l’habitation et d’y conserver la température intérieure à un degré constant. La neige, en effet, est de sa nature très mauvaise conductrice de la chaleur ; elle ne permet pas à celle-ci d’entrer, il est vrai, mais, ce qui est beaucoup plus important pendant les hivers arctiques, elle l’empêche de sortir.

Au-dessus du toit, le charpentier devait dresser deux cheminées, l’une correspondant à la cuisine, l’autre au poêle de la grande salle, qui devait chauffer en même temps les cabines du quatrième compartiment. De cet ensemble il ne résulterait certainement pas une œuvre architecturale, mais l’habitation serait dans les meilleures conditions possibles d’habitabilité. Que pouvait-on demander de plus ? D’ailleurs, sous ce sombre crépuscule, au milieu des rafales de neige, à demi enfouie sous les glaces, blanche de la base au sommet, avec ses lignes empâtées, ses fumées grisâtres tordues par le vent, cette maison d’hiverneurs présenterait encore un aspect étrange, sombre, lamentable, qu’un artiste ne saurait oublier.

Le plan de la nouvelle maison était conçu. Restait à l’exécuter. Ce fut l’affaire de maître Mac Nap et de ses hommes. Pendant que les charpentiers travailleraient, les chasseurs de la troupe, chargés du ravitaillement, ne demeureraient pas oisifs. La besogne ne manquerait à personne.

Maître Mac Nap alla d’abord choisir les arbres nécessaires à sa construction. Il trouva sur les collines un grand nombre de ces pins qui ressemblent beaucoup au pin écossais. Ces arbres étaient de moyenne taille, et très convenables pour la maison qu’il s’agissait d’édifier. Dans ces demeures grossières, en effet, murailles, planchers, plafonds, murs de refend, cloisons, chevrons, faîtage, arbalétriers, bardeaux, tout est planches, poutres et poutrelles.

On le comprend, ce genre de construction ne demande qu’une main-d’œuvre très élémentaire, et Mac Nap put procéder sommairement, — ce qui ne devait nuire en rien à la solidité de l’habitation.

Maître Mac Nap choisit des arbres bien droits, qui furent coupés à un pied au-dessus du sol. Ces pins, ébranchés au nombre d’une centaine, ni écorcés ni équarris, formèrent autant de poutrelles longues de vingt pieds. La hache et la besaiguë ne les entamèrent qu’à leurs extrémités pour y entailler les tenons et les mortaises, qui devaient les fixer les unes aux