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le pays des fourrures.

d’immenses plaines, de vastes steppes, que, pendant l’hiver, rien ne devait distinguer des surfaces glacées du lagon et de l’Océan.

Cette place ayant été choisie, Jasper Hobson et maître Mac Nap tracèrent au cordeau le périmètre de la maison. Ce tracé formait un rectangle qui mesurait soixante pieds sur son grand côté, et trente sur son petit. La façade de la maison devait donc se développer sur une longueur de soixante pieds, et être percée de quatre ouvertures : une porte et trois fenêtres du côté du promontoire, sur la partie qui servirait de cour intérieure, et quatre fenêtres du côté du lagon. La porte, au lieu de s’ouvrir au milieu de la façade postérieure, fut reportée sur l’angle gauche de manière à rendre la maison plus habitable. En effet, cette disposition ne permettait pas à la température extérieure de pénétrer aussi facilement jusqu’aux dernières chambres, reléguées à l’autre extrémité de l’habitation.

Un premier compartiment formant antichambre et soigneusement défendu contre les rafales par une double porte ; — un second compartiment servant uniquement aux travaux de la cuisine, afin que la cuisson n’introduisît aucun principe d’humidité dans les pièces plus spécialement habitées ; — un troisième compartiment, vaste salle dans laquelle les repas devaient chaque jour se prendre en commun ; — un quatrième compartiment, divisé en plusieurs cabines, comme le carré d’un navire : tel fut le plan, très simple, arrêté entre le lieutenant et son maître charpentier.

Les soldats devaient provisoirement occuper la grande salle, au fond de laquelle serait établi une sorte de lit de camp. Le lieutenant, Mrs. Paulina Barnett, Thomas Black, Madge, Mrs. Joliffe, Mrs. Mac Nap et Mrs. Raë devaient se loger dans les cabines du quatrième compartiment. Pour employer une expression assez juste, « on serait un peu les uns sur les autres », mais cet état de choses ne devait pas durer, et, dès que le logement des soldats serait construit, la maison principale serait uniquement réservée au chef de l’expédition, à son sergent, à Mrs. Paulina Barnett, que sa fidèle Madge ne quitterait pas, et à l’astronome Thomas Black. Peut-être alors pourrait-on diviser le quatrième compartiment en trois chambres seulement, et détruire les cabines provisoires, car il est une règle que les hiverneurs ne doivent point oublier : « faire la guerre aux coins ! » En effet, les coins, les angles, sont autant de réceptacles à glaces ; les cloisons empêchent la ventilation de s’opérer convenablement, et l’humidité, bientôt transformée en neige, rend les chambres inhabitables, malsaines, et provoque les maladies les plus graves chez ceux qui les occupent. Aussi certains navigateurs, lorsqu’ils se préparent à hiverner au milieu des glaces, disposent-ils à l’intérieur de leur navire une salle unique, que tout l’équipage, officiers et matelots, habite en commun. Mais Jasper Hobson