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le soleil de minuit.

avaient obtenu avec une extrême précision la longitude du lieu. Mais son élévation en latitude était la circonstance qui préoccupait surtout Jasper Hobson. Peu importait, en effet, le méridien du cap Bathurst, si le cap Bathurst se trouvait situé au-delà du soixante-dixième parallèle.

Midi approchait. Tous les hommes composant le détachement entouraient les observateurs qui s’étaient munis de leurs sextants. Ces braves gens attendaient le résultat de l’observation avec une impatience qui se comprendra facilement. En effet, il s’agissait pour eux de savoir s’ils étaient arrivés au but de leur voyage, ou s’ils devaient continuer à chercher sur un autre point du littoral un territoire placé dans les conditions voulues par la Compagnie.

Or, cette dernière alternative n’aurait probablement amené aucun résultat satisfaisant. En effet, — d’après les cartes, fort imparfaites, il est vrai, de cette portion du rivage américain, — la côte, à partir du cap Bathurst, s’infléchissant vers l’ouest, redescendait au-dessous du soixante-dixième parallèle, et ne le dépassait de nouveau que dans cette Amérique russe sur laquelle des Anglais n’avaient encore aucun droit à s’établir. Ce n’était pas sans raison que Jasper Hobson, après avoir consciencieusement étudié la cartographie de ces terres boréales, s’était dirigé vers le cap Bathurst. Ce cap, en effet, s’élance comme une pointe au-dessus du soixante-dixième parallèle, et, entre les cent et cent-cinquantième méridiens, nul autre promontoire, appartenant au continent proprement dit, c’est-à-dire à l’Amérique anglaise, ne se projette au-delà de ce cercle. Restait donc à déterminer si réellement le cap Bathurst occupait la position que lui assignaient les cartes les plus modernes.

Telle était, en somme, l’importante question que les observations précises de Thomas Black et de Jasper Hobson allaient résoudre.

Le soleil s’approchait, en ce moment, du point culminant de sa course. Les deux observateurs braquèrent alors la lunette de leur sextant sur l’astre qui montait encore. Au moyen des miroirs inclinés, disposés sur l’instrument, le soleil devait être, en apparence, ramené à l’horizon même, et le moment où il semblerait le toucher par le bord inférieur de son disque, serait précisément celui auquel il occuperait le plus haut point de l’arc diurne, et, par conséquent, le moment exact où il passerait au méridien, c’est-à-dire le midi du lieu.

Tous regardaient et gardaient un profond silence.

« Midi ! s’écria bientôt Jasper Hobson.

— Midi ! » répondit au même instant Thomas Black.

Les lunettes furent immédiatement abaissées. Le lieutenant et l’astronome lurent sur les limbes gradués la valeur des angles qu’ils ve-