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le pays des fourrures.

— Sans doute, madame, sans doute, j’ai intérêt à le dépasser, mais pas trop cependant, répondit l’astronome. Suivant nos calculs qui sont d’une exactitude absolue, l’éclipse de soleil, que je suis chargé d’observer, ne sera totale que pour un observateur placé un peu au-delà du soixante-dixième degré. Je suis donc aussi impatient que notre lieutenant de relever la position du cap Bathurst !

— Mais j’y pense, monsieur Black, dit la voyageuse, cette éclipse de soleil, ce n’est que le 18 juillet qu’elle doit se produire, si je ne me trompe ?

— Oui, madame, le 18 juillet 1860.

— Et nous ne sommes encore qu’au 5 juillet 1859 ! Le phénomène n’aura donc lieu que dans un an !

— J’en conviens, madame, répondit l’astronome. Mais si je n’était parti que l’année prochaine, convenez que j’aurais couru le risque d’arriver trop tard !

— En effet, monsieur Black, répliqua Jasper Hobson, et vous avez bien fait de partir un an d’avance. De cette façon, vous êtes certain de ne point manquer votre éclipse. Car, je vous l’avoue, notre voyage du fort Reliance au cap Bathurst s’est accompli dans des conditions très favorables et très exceptionnelles. Nous n’avons éprouvé que peu de fatigues, et conséquemment, peu de retards. À vous dire vrai, je ne comptais pas avoir atteint cette partie du littoral avant la mi-août, et si l’éclipse avait dû se produire le 18 juillet 1859, c’est-à-dire cette année, vous auriez fort bien pu la manquer. Et d’ailleurs, nous ne savons même pas encore si nous sommes au-dessus du soixante-dixième parallèle.

— Aussi, mon cher lieutenant, répondit Thomas Black, je ne regrette point le voyage que j’ai fait en votre compagnie, et j’attendrai patiemment mon éclipse jusqu’à l’année prochaine. La blonde Phœbé est une assez grande dame, j’imagine, pour qu’on lui fasse l’honneur de l’attendre ! »

Le lendemain, 6 juillet, peu de temps avant midi, Jasper Hobson et Thomas Black avaient pris leurs dispositions pour obtenir un relèvement rigoureusement exact du cap Bathurst, c’est-à-dire sa position en longitude et en latitude. Ce jour-là, le soleil brillait avec une netteté suffisante pour qu’il fût possible d’en relever rigoureusement les contours. De plus, à cette époque de l’année, il avait acquis son maximum de hauteur au-dessus de l’horizon, et, par conséquent, sa culmination, lors de son passage au méridien, devait rendre plus facile le travail des deux observateurs.

Déjà, la veille, et dans la matinée, en prenant différentes hauteurs, et au moyen d’un calcul d’angles horaires, le lieutenant et l’astronome