son, sans échanger une parole, aussi muets que leurs ombres, qui s’allongeaient devant eux. Suzel se voyait grande, grande, sous les rayons obliques du soleil couchant. Frantz paraissait maigre, maigre, comme la longue ligne qu’il tenait à la main.
On arriva à la maison du bourgmestre. De vertes touffes d’herbe encadraient les pavés luisants, et on se fut bien gardé de les arracher, car elles capitonnaient la rue et assourdissaient le bruit des pas.
Au moment où la porte allait s’ouvrir, Frantz crut devoir dire à sa fiancée :
« Vous savez, Suzel, le grand jour approche.
— Il approche, en effet, Frantz ! répondit la jeune fille en abaissant ses longues paupières.
— Oui, dit Frantz, dans cinq ou six ans…
— Au revoir, Frantz, dit Suzel.
— Au revoir, Suzel, » répondit Frantz.
Et, après que la porte se fut refermée, le jeune homme reprit d’un pas égal et tranquille le chemin de la maison du conseiller Niklausse.
VII
Où les andante deviennent des allegro et les allegro des vivace.
L’émotion causée par l’incident de l’avocat Schut et du médecin Custos s’était apaisée. L’affaire n’avait pas eu de suite. On pouvait donc espérer que Quiquendone rentrerait dans son apathie habituelle, qu’un événement inexplicable avait momentanément troublée.
Cependant, le tuyautage destiné à conduire le gaz oxy-hydrique dans les principaux édifices de la ville s’opérait rapidement. Les conduites et les branchements se glissaient peu à peu sous le pavé de Quiquendone. Mais les becs manquaient encore, car leur exécution étant très délicate, il avait fallu les faire fabriquer à l’étranger. Le docteur Ox se multipliait ; son préparateur Ygène et lui ne perdaient pas un instant, pressant les ouvriers, parachevant les délicats organes du gazomètre, alimentant jour et nuit les gigantesques piles qui décomposaient l’eau sous l’influence d’un puissant courant électrique. Oui ! le docteur fabriquait déjà son gaz, bien que la canalisation ne fût pas encore terminée ; ce