Page:Verne - Le Docteur Ox.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Venez, Niklausse, » dit-il.

Et, fermant la porte avec une violence qui ébranla la maison, le bourgmestre entraîna le conseiller à sa suite.

Peu à peu, quand ils eurent fait une vingtaine de pas dans la campagne, les dignes notables se calmèrent. Leur marche se ralentit, leur allure se modifia. L’illumination de leur face s’éteignit ; de rouges, ils redevinrent roses.

Et un quart d’heure après avoir quitté l’usine, van Tricasse disait doucement au conseiller Niklausse :

« Un aimable homme que ce docteur Ox ! Je le verrai toujours avec le plus grand plaisir. »


VI

Où Frantz Niklausse et Suzel van Tricasse forment quelques projets d’avenir.

Nos lecteurs savent que le bourgmestre avait une fille, Mlle Suzel. Mais, si perspicaces qu’ils soient, ils n’ont pu deviner que le conseiller Niklausse avait un fils, M. Frantz. Et, l’eussent-ils deviné, rien ne pouvait leur permettre d’imaginer que Frantz fût le fiancé de Suzel. Nous ajouterons que ces deux jeunes gens étaient faits l’un pour l’autre, et qu’ils s’aimaient comme on s’aime à Quiquendone.

Il ne faut pas croire que les jeunes cœurs ne battaient pas dans cette cité exceptionnelle ; seulement ils battaient avec une certaine lenteur. On s’y mariait comme dans toutes les autres villes du monde, mais on y mettait le temps. Les futurs, avant, de s’engager dans ces liens terribles, voulaient s’étudier, et les études duraient au moins dix ans, comme au collège. Il était rare qu’on fût « reçu » avant ce temps.

Oui, dix ans ! dix ans on se faisait la cour ! Est-ce trop, vraiment, quand il s’agit de se lier pour la vie ? On étudie dix ans pour être ingénieur ou médecin, avocat ou conseiller de préfecture, et l’on voudrait en moins de temps acquérir les connaissances nécessaires pour faire un mari ? C’est inadmissible, et, affaire de tempérament ou de raison, les Quiquendoniens nous paraissent être dans le vrai en prolongeant ainsi leurs études. Quand on voit, dans les autres villes, libres et ardentes, des mariages