jamais rester en place, et s’échappait-il en paroles précipitées et en gestes surabondants.
Était-il donc riche, ce docteur Ox, qui venait entreprendre à ses frais l’éclairage d’une ville tout entière ?
Probablement, puisqu’il se permettait de telles dépenses, et c’est la seule réponse que nous puissions faire à cette demande indiscrète.
Le docteur Ox était arrivé depuis cinq mois à Quiquendone, en compagnie de son préparateur, qui répondait au nom de Gédéon Ygène, un grand, sec, maigre, tout en hauteur, mais non moins vivant que son maître.
Et maintenant, pourquoi le docteur Ox avait-il soumissionné, et à ses frais, l’éclairage de la ville ? Pourquoi avait-il précisément choisi les paisibles Quiquendoniens, ces Flamands entre tous les Flamands, et voulait-il doter leur cité des bienfaits d’un éclairage hors ligne ? Sous ce prétexte, ne voulait-il pas essayer quelque grande expérience physiologique, en opérant in anima vili ? Enfin qu’allait tenter cet original ? C’est ce que nous ne savons pas, le docteur Ox n’ayant pas d’autre confident que son préparateur Ygène, qui, d’ailleurs, lui obéissait aveuglément.
En apparence, tout au moins, le docteur Ox s’était engagé à éclairer la ville, qui en avait bien besoin, « la nuit surtout », disait finement le commissaire Passauf. Aussi, une usine pour la production d’un gaz éclairant avait-elle été installée. Les gazomètres étaient prêts à fonctionner, et les tuyaux de conduite, circulant sous le pavé des rues, devaient avant peu s’épanouir sous forme de becs dans les édifices publics et même dans les maisons particulières de certains amis du progrès.
En sa qualité de bourgmestre, van Tricasse, et en sa qualité de conseiller, Niklausse, puis quelques autres notables, avaient cru devoir autoriser dans leurs habitations l’introduction de ce moderne éclairage.
Si le lecteur ne l’a pas oublié, pendant cette longue conversation du conseiller et du bourgmestre, il fut dit que l’éclairage de la ville serait obtenu, non point par la combustion du vulgaire hydrogène carburé que fournit la distillation de la houille, mais bien par l’emploi d’un gaz plus moderne, et vingt fois plus brillant, le gaz oxy-hydrique, que produisent l’hydrogène et l’oxygène mélangés.
Or, le docteur, habile chimiste et ingénieux physicien, savait obtenir ce gaz en grande masse et à bon compte, non point en employant le manganate de soude, suivant les procédés de M. Tessié du Motay, mais tout simplement en décomposant l’eau, légèrement acidulée, au moyen d’une pile faite d’éléments nouveaux et inventée par lui. Ainsi, point de substances coûteuses, point de platine, point