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au mont blanc.


Le sommet du mont Blanc. (Page 205.)



fallait absolument franchir, était devant nous avec son inclinaison de cinquante degrés. Mais, après avoir escaladé le mur du Corridor, il ne nous effrayait pas. Nous prenons une demi-heure de repos, puis nous continuons notre route ; mais nous nous aperçûmes bientôt que les circonstances atmosphériques n’étaient plus les mêmes. Le soleil nous frappait de ses rayons ardents, et leur réflexion sur la neige doublait notre supplice. La raréfaction de l’air commençait à se faire cruellement sentir. Nous avancions lentement, en faisant des haltes fréquentes, et nous finissons par atteindre le plateau qui domine le second escarpement des rochers Rouges. Nous étions au pied du mont Blanc. Il s’élevait, seul et majestueux, à une hauteur de 200 mètres au-dessus de nous. Le mont Rose lui-même avait baissé pavillon !

Levesque et moi, nous étions absolument à bout de forces. Quant à M. N…, qui nous avait rejoints au sommet du Corridor, on peut dire qu’il était insensible à la raréfaction de l’air, car il ne respirait plus, pour ainsi dire.

Nous commençons enfin à escalader le dernier degré. Nous faisions dix pas et nous nous arrêtions, nous trouvant dans l’impossibilité absolue d’aller plus loin. Une contraction douloureuse de la gorge rendait notre respiration encore plus difficile. Nos jambes nous refusaient le service, et je compris alors cette expression pittoresque de Jacques Balmat, quand, en racontant sa première ascension, il dit que « ses jambes semblaient ne plus tenir qu’à l’aide de son pantalon ». Mais un sentiment plus fort dominait la matière, et si le corps demandait grâce, le cœur, répondant : Excelsior ! Excelsior ! étouffait ces plaintes désespérées, et poussait en avant et malgré elle notre pauvre machine détraquée. Nous passons